Un de chute… Michel Kirch
Un de chute. Entre Chien et Loup… l'ombre du doute… une vision symbiotique du Yin et du Yang, dans une perspective romantique développée par Michel Kirch.
Voir le noir et le blanc, l'ombre noire de la robe et sa brillance, comme l'évocation d'un signe qui ne s'inscrit plus dans sa complémentarité circulaire, mouvements de l'infini et de sa rotation imaginaire - le S du yin/yang semble s'être réduit dans son mouvement- au profit d'une ligne descendante partant du corps-visage en "prière" courbé sur lui même...pour rejoindre le 1/7 du bord gauche de l'image, articulant un angle avec la ligne de fuite de cette plage de sable, sables mouvants .... si l'on plisse les yeux, que voit-on au juste sinon, une silhouette princière, aristocratique, en robe de conte de fée, priant, photographiée de loin et de haut, et non, un nu, genoux ployé, sur un rocher improbable, à l'heure où le ciel se noie dans sa brume, au dessus du monde, en surplomb de la forêt, sur une plage, une terre peignée, où tout est semblant...
Nul doute que cette mé-prise, cette aire-heure, ne soit due, de fait au théâtre beckettien qui anime Michel Kirch dialectiquement, afin de rejoindre ces prophéties mises en scène dans l'ascétisme racinien qui le porte... et contradictoirement d''en mesurer l'errance romanesque, romantique, dans la confrontation de la sécheresse de la vision et de l’infante, portée en son secret par l'image qui en nait... tout un climat de l'obscur et de la lutte de la lumière contre celui-ci, à mi-chemin entre ce qui est encore vivant de sa passion personnelle ( de son voyage intérieur) et de sa raison raisonnante dans la foi d'une création qui s'expanse... entre ce qui se perçoit et ce qui parait, sorte de trouble de l'image cherchant à affirmer ce qui échappe, dans une unité reconstituée…
Cette construction porte en soi, deux images, dont une, subliminale, due à l’expérience du myste (plisser les yeux) et un Nu au rocher, image avérée, issue d’une construction avérée, volontaire, assumée. Mais quelle image porte la création, puisqu’au travers d’un propos qui semble établir une certitude, se glisse une incertitude, une autre image au delà du visible, comme une silhouette que l’in distinguerait dans une sorte de pénombre de l’esprit, et qui, relèverait ce nu beckettien de son formalisme théâtral, a priori moins pertinent à mes yeux, parce que trop arrêté sur l’idée qui la fait naître, d’où, malgré la parfaite réalisation du montage, une moins grande propagation vibratoire au retentissement éteint.
Par contre cet entre-aperçu, comme un lapsus linguae, se joint au processus créatif, faisant bégayer l’image revendiquée, me faisait percevoir son itinéraire vers une sorte d’artefact dont le solipsisme serait, en quelques sortes, une critique inconsciente que Michel Kirch s’adresserait à lui même, dans un jeu plus voltairien, introduisant un parasitage parodique et blasphématoire des textes sacrés, voire aussi du côté de Molière (le maître et son valet, imaginaire du servis callidus… au service de la Providence, de l’économie narrative des « fourberies » pour ne pas les nommer) dans l’émergence d’un personnage à double fond… et dont l’inertie serait assez lacanienne pour amorcer une sorte de prose de conscience de la Factory Kirch et de son leitmotiv permanent, alors que d’autres instances profileraient un renouvellement de la création, tournée vers une picturalité et des références à l’art moderne….
Ce processus du double est donc très intéressant …
Pascal Therme le 6/04/2022
Un de chute de Michel Kirch