Jeunesse, asiatique ou érotique la déclinaison des 9e Art Panorama continue chez Bubble
Pile-poil avant le Père Noyel, Bubble éditions envoie une triplette pour vous aider à décoiffer vos envies d’images avec des mots. A mettre, selon vos goûts, sous le sapin, la couette ou votre belle-mère. Entretien avec Thomas Mourier sur ces objets de culture - et de désir.
Après ton anthologie qui avait séduit beaucoup de monde, quelle est l’idée derrière cette proposition de 9e art Panorama en trois variations ?
Thomas Mourier : L’idée est de proposer une continuité qui n’est pas une suite. Le très bon accueil de mon Anthologie du 9ème Art nous a poussés à réfléchir à prolonger cette exploration, mais nous étions d’accord dans l’équipe pour dire qu’un « volume 2 » sur le même modèle aurait été un peu plat. J’ai proposé de changer l’approche avec une collection de livres plus petits, plus pratiques qui couvriraient chacun un sujet pour monter une collection où chaque volume proposerait un panorama du sujet en bande dessinée.
Et à cette idée, est venue celle de proposer à un co-auteur.trice de se joindre à moi pour combiner nos expertises et ouvrir la collection à d’autres plumes. Sonia Déchamps, Rémi Inghilterra et Vincent Brunner ont tout de suite accepté !
Et nous avons gardé la même équipe graphique que sur le 1er livre avec Bunka aux illustrations, Régis Lemberthe à la maquette et Karine Pellan à la direction artistique, qui a imaginé l’ensemble de la collection pour créer un effet de continuité tout en s’adaptant aux nouvelles contraintes. Je suis super heureux que cette équipe soit réunie.
Et a ce casting, j’ai tenu à ce que chaque bouquin soit préfacé par une personnalité qui connait bien cet univers pour bénéficier d’un éclairage supplémentaire, toujours dans cet esprit de guide qui couvre le sujet à 360°. Nous avons donc un texte de Magali Le Huche, Marie Palot et Céline Tran en ouverture de chaque PANORAMA.
Comment avez-vous délimité le choix thématique : jeunesse, asiatique et érotique et quel traitement particulier cela a-t-il exigé ?
T.M. : Pour le lancement, nous avions convenu avec Nicolas Dévé, mon éditeur, de proposer 3 livres en simultané pour marquer le coup, pour que ce soit un vrai lancement de collection et pas juste un volume isolé. Et pour le choix des thèmes, nous avions tout de suite pensé à la jeunesse, car c’était le chapitre manquant de mon Anthologie (je l’avais écarté à dessein en espérant pouvoir faire un autre volume), puis nous avons pensé au manga pour son dynamisme dans le secteur de l’édition et la curiosité très grande en ce moment autour de la production japonaise, mais nous avons cherché un angle pour nous démarquer de ce qui existait déjà, aussi nous attaquer à la bande dessinée asiatique au sens large nous paraissait pertinent. Et enfin pour le guide érotique, nous avions envie de renouveler un peu l’exercice, car il existe pas mal de publication sur le sujet, mais nous voulions avoir un regard neuf, plus jeune et plus inclusif.
Pour le volume Erotique, quelle est la caution de Céline Tran et qu’apporte-t-elle ?
T.M. : Avec Vincent, nous voulions une personnalité qui maitrise vraiment le sujet pour apporter de la crédibilité à une thématique qui peut faire un peu peur ou dérouter certains. Notre proposition étant justement de montrer que la bande dessinée érotique peut être inclusive, peut parler de sujets de société et n’est pas cantonnée aux mêmes femmes-objets et fantasmes masculins comme on la présente souvent. Donc nous voulions quelqu’un qui apporte un éclairage et Céline Tran a été le 1er nom qui est sorti de notre réunion initiale. Elle connait à la fois l’industrie de la pornographie et depuis quelques années à entamer une belle carrière dans la bande dessinée, à la fois comme scénariste et comme directrice de collection. Et son texte est très réussi, parlant à la fois de la pertinence du médium bande dessinée pour aborder la pornographie mais aussi ses évolutions actées ou à venir.
Pour le volume Asiatique il devient difficile d’avoir un angle particulier, tellement ce marché est large, comment as-tu choisi de co-écrire avec Rémi Inghilterra ?
T.M. : Oui c’est pour cela que nous avons pris deux angles très fort, la bande dessinée asiatique dans son ensemble, et pas seulement le manga, d’une part et d’autre part nous proposons un guide centré sur les one-shots dans un marché où la série est reine. Nous nous sommes dit qu’en proposant des albums uniques, ce serait la meilleure porte d’entrée pour découvrir la bibliographie d’un.e auteur.trice, de découvrir un courant ou un pan de l’histoire de la bande dessinée dans un pays donné. J’espère qu’avec ces deux axes, le public y trouvera une voix nouvelle dans l’océan de conseils autour du manga.
Et pour Rémi, je ne pensais pas le faire avec quelqu’un d’autre que lui, on collabore sur Bubble et 9èmeArt.fr depuis des années et nos discussions sur le marché, les sorties, les artistes sont très stimulantes. Et Rémi est l’un des journalistes les plus suivis sur le net pour tout ce qui concerne les cultures asiatiques, il est très attentif à ce qui sort, aux infos clefs et partage beaucoup de cette passion. En vérité quand nous avons officiellement commencé, nous avions déjà pas mal de docs et de discussion, c’est comme si on préparait ce bouquin bien longtemps avant l’idée même de cette collection.
Pour le volume jeunesse, je le vois comme un ouvrage destiné plus aux parents, par sa forme, me trompe-je ?
T.M. : Tu as peut-être cette impression, car nous avons travaillé les infos un peu différemment des deux autres guides avec Sonia. La littérature jeunesse, dessinée ou non, est surtout un achat des parents pour les enfants, et toute la difficulté est de convaincre à la fois l’enfant et le parent. Du coup jusqu’à un certain âge il faut rassurer les parents tout en éveillant la curiosité des enfants ; à partir des pré-ados et ados ils font leurs choix c’est plus simple. Sonia qui a ses sujets en tête tous les jours pour sa programmation du Festival de la BD d’Angoulême ou dans les différents jurys où elle est invité, avait cette envie de proposer un guide qui pourrait être utile aux familles, aux professionnels de l’enfance, aux prescripteurs et combiné avec mon leitmotiv sur toute cette collection de « donner les clefs à chacun pour se faire sa culture BD » on a un livre un peu hybride qui s’adresse dans sa forme aux parents (avec des infos clefs, des âges conseillés, des albums connexes), mais dans le fond aux enfants par ses textes.
Editeur des trois volumes, comment as-tu choisi les ouvrages pris en considération pour chaque volume entre valeurs sûres et découvertes, chacun peut y trouver beaucoup à lire. je suis bluffé par tes choix…
T.M. : Merci beaucoup ! Je partage déjà le compliment avec mes co-auteur.trice.s, car les choix sont le fruit d’un long travail de lectures, relectures et débats ensemble. On a cherché pour chaque livre à proposer un mélange équilibré de grands classiques et de pépites méconnues, de livres clefs pour comprendre une période ou un moment d’histoire de la BD avec des curiosités et des livres hors normes.
En tant que directeur de collection, mon boulot était de veiller à ce que les livres soient à l’équilibre entre ce qu’on peut attendre d’un livre sur le sujet et la bonne dose de surprise. C’est un équilibre délicat, car s’il n’y a pas assez de titres connus, les lecteur.trice.s se disent que c’est trop loin de leurs univers et s’il y en a trop qu’ils connaissent déjà. Il faut rassurer avec quelques titres clefs et surprendre avec nos choix clivants ou radicaux. Pour moi, c’est la clef depuis le début, depuis le 1er bouquin.
Est-ce le début d’une série au long cours ou bien…
T.M. : Tout à fait, l’idée est de proposer chaque année de nouveaux volumes avec d’autres sujets et d’autres experts à mes côtés. Un peu à la manière de la collection Que sais-je ?, on pourra enrichir ce PANORAMA de la bande dessinée. Et ce qui est très excitant c’est qu’après les sujets les plus attendus on pourra aller vers des thématiques plus confidentielles et pour certaines ce sera une première dans l’édition.
Après, seul le succès de librairie permettra ou non l’arrivée rapide des prochains volumes. Du coup les mises en avant, comme tu le fait ici pour faire découvrir la collection, sont précieuses.
En quoi est-il prégnant de traiter les sujets sur une double page (texte + illustration,) est-ce en vue de l’intégrer au site, ensuite ou bien privilégiez-vous les formats courts pour le même public que Bubble sur un autre support ?
T.M.: Pour la forme, nous avons choisi de mettre en vis-à-vis le texte et les images pour que les lecteur.trice.s puisse avoir à la fois notre conseil et un extrait de l’œuvre pour se rendre compte. Les graphismes, les techniques et les écoles sont tellement différents d’un titre à l’autre qu’il nous parait indispensable d’avoir ces deux propositions en un seul coup d’œil. Il n’y a pas de choses prévues pour passer les textes en ligne par contre.
Pour les textes, je voulais garder un support pratique, donc des textes pas trop longs pour garder ce format, mais des textes qui synthétisent l’essentiel. Chaque œuvre est analysée selon un angle original et présente l’œuvre, son auteur, son travail ou sa technique tout en replaçant le tout dans le contexte éditorial. Et surtout tout cela est écrit sous la forme d’un conseil en évitant le côté fiche pratique ou fiche technique.
De quel volume es-tu le plus fier et pourquoi et quel est l’accueil pour ces trois titres auprès du public ?
T.M.: Les titres sont sortis il y a une semaine du coup difficile d’avoir du recul, mais déjà on a eu un très bon accueil critique dans les médias qui commencent à publier des articles et auprès des libraires qui ont découvert les titres, j’ai pu faire une première séance de dédicace et l’accueil était super avec beaucoup de questions stimulantes (qui heureusement trouvaient leurs réponses dans les livres). Et l’objet est très réussi, j’ai vu en librairie des personnes séduites par le livre et la maquette avant même d’avoir exploré le contenu.
Après, te dire de quel bouquin je suis le plus fier ce serait étrange, car tous ont une importance et une histoire particulière déjà, mais aussi parce qu’ils ont été écrits et fabriqués en même temps, si j’ai travaillé avec mes 3 co-auteur.trice.s sur chaque projet pendant plusieurs mois, on a tellement échangé tous les 4 que j’ai l’impression que c’est un gros projet collectif avec plusieurs ramifications. On verra pour la prochaine fournée si c’est aussi agréable et stimulant, mais je n’en doute pas.
Interview de Thomas Mourier par Jean-Pierre Simard le 19/12/2022
Thomas Mourier/ Sonia Déchamps - 9e Art Panorama Jeunesse , les 50 titres cultes en BD, comics & manga - Bubble éditions
Thomas Mourier / Rémi Inghilterra - 9e Art Panorama Asiatique, les 50 titres cultes de la Bande Dessinée - Bubble éditions
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