Le grand saut - de La Falaise - de Manon Debaye

Avec ses crayons de couleurs Manon Debaye ne colorie pas. Elle dessine des histoires, des récits en une ou deux images… En traitant un sujet aussi casse-gueule que le suicide (deuxième cause de décès des 15-24 ans dans le monde), l’autrice laisse flotter une bienveillance généreuse sur toutes ces vies que l’on croit simples et crayonne une lumière qui passe au travers des forêts de bouleaux pour mieux nous laisser la chance d’imaginer (ou non) d’une fin heureuse à cette histoire qui par son universalité nous touche tout personnellement !

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Autant dire qu’elle bouscule la narration comme l’ont fait avant elle les plus grands : de Charles Burns à Joan Sfar… Ici, les paysages tiennent les tous premiers rôles comme des enveloppes de mélancolie. Des deux personnages dont on ne sait rien de la vie, on devine, on imagine, on suppose… On sent bien le malaise d’être dans cette peau d’ado, différent, en marge, un peu comme le sont les personnages de l’Amérique des années 50 de Charles Burns.

L’action se situe non loin d’une falaise, là où Charlie et son amie se font la promesse de se suicider ensemble quelques jours plus tard. Manon Debaye s’emploie, dès lors, à crayonner les jours qui les séparent de leur (p)acte.


Entre hésitation, volonté et actes manqués, le récit nous happe littéralement entre parfaite maîtrise de la réalité de la vie lycéenne et une sorte de conte fantastique troublant qui nous prend - c’est vrai, un peu à la gorge-, mais qui nous attache de façon instantanée aux personnages. Sans jamais sombrer dans les clichés ni le piège d’un récit manichéen classique sur la cruauté adolescente, l’autrice réussit à faire de son récit, une ode à la différence, à la fragilité du temps qui sépare les adolescents de l’âge adulte. Infime espace qu’on ne franchit jamais vraiment, mais qu’on enjambe, faute de mieux, en l’oubliant autant que possible

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Manon Debaye signe ici une très belle œuvre graphique (chaque case silencieuse, en appel à un voyage intime d’une grande puissance hyperbolique) où chaque petit détail visuel enrichit son récit d’une mélancolie qui vous attrape et ne vous lâche plus.
Sans pour autant être d’une déprime absolue, bien au contraire, le récit ne se termine pas, il est l’instantanée d’une existence, d’un moment paroxystique de nos vies de pré-adulte.

En traitant un sujet aussi casse-gueule que le suicide (deuxième cause de décès des 15-24 ans dans le monde), l’autrice laisse flotter une bienveillance généreuse sur toutes ces vies que l’on croit simples et crayonne une lumière qui passe au travers des forêts de bouleaux pour mieux nous laisser la chance d’imaginer (ou non) d’une fin heureuse à cette histoire qui par son universalité nous touche tout personnellement !

A lire et à contempler au plus vite… du haut de nos falaises à nous, celles qui nous font peur depuis toujours - mais qui nous attirent tant-, nous appelant à faire le grand saut pour de bon !


Richard Maniere
Manon Debaye - La Falaise -éditions Sarbacane

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