L'AUTRE QUOTIDIEN

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“New Cherbourg Stories”, une série qui a plus d’un tour dans sa Manche

On attendait de leurs nouvelles depuis la fin de Cité 14, Romuald Reutimann & Pierre Gabus sont de retour avec une série aussi réussie que passionnante. Alors qu’un tome 3 est en préparation, retour sur les deux premiers albums.

© Romuald Reutimann / Pierre Gabus / Casterman

De Cité 14 les auteurs vont garder le côté rétrofuturiste, les super-héros, les complots & intrigues politiques, les espions à la petite semaine, l’humour pince-sans-rire et ce dessin qui hésite entre la ligne claire et ses influences américaines. 

New Cherbourg — ville imaginaire fortement inspirée par Cherbourg en Cotentin (on y reviendra) — est une sorte de Zone 51 française où le contre-espionnage cache les Grondins, un peuple sous-marin intelligent qui vient de prendre contact avec l’humanité. Les fonds marins recèlent bien des surprises et les Grondins inaugurent cette rencontre du 3e type locale qui peut mener l’exploration de cet univers assez loin. 

Mais qui dit dossiers secrets dit aussi espions. Et l’hôtel Roule Palace en abrite quelques-uns, cible des agents Côme et Pacôme Glacère — agents un peu gauches, sortes de Dupondt qui possèdent des super pouvoirs. Au Roule Palace, on trouve aussi Julienne, nouvelle espionne d’élite et son frère Gus qui dresse des oiseaux pour devenir des chapardeurs. 

Non loin du musée de madame Camille qui mélange pièces rares et verroterie, on trouve le chantier naval d’où sortent des prototypes de robots sous-marins destinés à explorer les grands fonds.

© Romuald Reutimann / Pierre Gabus / Casterman

Une bande dessinée ancrée dans la Manche ? 

Bien avant les albums, la série est prépubliée dans « La Presse de la Manche » et a connu un énorme succès local avant d’attirer Casterman. Dès les débuts, et en plus de la publication dans le journal, les auteurs vendent leurs fascicules au format comics sur place,  via les réseaux ou au musée Thomas Henry de Cherbourg, après à une exposition ludique qui mélangeait planches, illustrations inédites, objets et reconstitution de lieux, expérience en réalité virtuelle et vidéo…

Cherbourg est réinventée, les lieux sont intégrés à ce monde parallèle où le Cotentin est au centre du monde. Romuald Reutimann & Pierre Gabus échangent avec les habitants et intègrent certains bâtiments, noms ou clin d’œils à leurs planches ; certains habitants leur proposent même des visites privées en espérant voir figurer leurs coins préférés dans la bande dessinée.

Pour compléter cette démarche inhabituelle & stimulante, une pièce de théâtre et un jeu vidéo (développé par Nathan Pommier et Anthony Picquenot) sont en préparation. 

Jeux & jeux d’influences 

Le duo s’est déjà illustré dans les formats expérimentaux avec leur série remarquée Cité 14 (Fauve de la meilleure série du Festival de la BD d’Angoulême 2012) parue à l’origine sous forme de mini-albums à 1 €, réunis dans un coffret (aujourd’hui la série existe en intégrale sous forme d’albums avec un spin-off : L’Extravagante croisière de Lady Rozenbilt

Sans appartenir au même univers, on sent une filiation entre ces séries, par la forme, mais aussi sur les thèmes ou manières de les aborder. On garde ce mélange réussi de pulp, de littérature de gare aux influences comics dans un cadre franco-belge.

Le monde de New Cherbourg Stories est éternellement habité dans les années 30-40, avec une version américaine de la France qui aurait échappé aux 2 Guerres mondiales. Une uchronie de ce que pourraient être des États-Unis d’Europe, sans en voir les contours, dans cette capitale de bord de mer dont on pourrait prendre un ferry pour la Cité 14. Une ville-état peut-être ? On en saura un peu plus dans le T3 provisoirement intitulé « Hôtel Atlantico » qui reviendra sur les migrants qui débarquent à New Cherbourg et la grande gare transatlantique. 

© Romuald Reutimann / Pierre Gabus / Casterman

Entre New York & Querqueville

Avec une identité visuelle forte, reconnaissable au premier coup d’œil, le trait de Romuald Reutimann alterne entre la simplification extrême et l’inspiration réaliste. Si les décors se font presque croquis, les personnages très expressifs sont dessinés de manière plus iconique. Le dessinateur travaille d’après photo, en numérique et mélange prises de vues réelles et inspirations de photo du New York des années 30.

L’histoire aussi s’inspire de la réalité pour mieux la faire glisser dans la fiction, le monstre de Querqueville qui s’offre en point de départ de la série est tiré d’un véritable fait divers. Le reste oscille entre les légendes cherbourgeoises et l’imagination du duo. 

Aventure, mystères, espionnage, fantastique et humour se partagent la vedette dans ces albums inclassables, portés par une ligne claire revisitée. Par sa liberté, son ton et ses inspirations, New Cherbourg Stories est l’une des séries les plus étonnantes et réjouissantes du moment. 

Thomas Mourier le 24/03/2021
Romuald Reutimann & Pierre Gabus - New Cherbourg Stories - Casterman

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