Et ensuite m'écrouler: Malaicu-Hondrari sur la piste des écrivains suicidés par Claro
Comme j'ai la vague impression que d'autres livres ont été publiés en même temps que Le Livre de toutes les intentions, de l'écrivain roumain Marin Malaicu-Hondrari, je me permets de vous rappeler un peu de quoi retourne ce livre (et ce qu'il retourne), on ne sait jamais.
Le narrateur de ce court roman est obnubilé par les écrivains qui se sont suicidés (et, ma foi, ils sont légion, même si le narrateur a du mal à comprendre et admettre que Beckett n'en fait pas partie…). Il décide donc d'écrire un livre sur ces morts illustres – mais comme il est roumain et qu'il sillonne l'Espagne en Lexus LS 430, "boîte automatique, diesel, intérieur cuir, peinture gris métallisé" (et fume cigarette sur cigarette ((et boit café sur café)) –, sa décision s'accompagne d'une condition un peu spéciale: il souhaite écrire le livre en une nuit:
"J'étais seul dans ma caravane, mon cahier ouvert sur mes genoux. Penché sur lui, j'admirais sa couverture en cuir. La nuit tombait, plus de douze heures d'obscurité et soixante pages au moins m'attendaient. J'allais l'écrire, mon livre d'une nuit, mon livre sur les suicidés, et ensuite m'écrouler."
Je ne dévoilerai rien en disant qu'il ne parvient pas à l'écrire, même si, à sa folle façon, le livre de Malaicu-Hondrari est précisément ce livre-là. Un roman caféiné et tabagique, qui vole de fleur noire en tombe rouge, de noyé en défenestré, de pendu en disparu. Kleist, Anne Sexton, Trakl, Akutagawa, Pizarnik, Sylvia Plath, Sarah Kane, Romain Gary, Leopoldo Lugones, Horacio Quiroga… Tous ces spectres défilent sous ses yeux, sous sa plume, il s'interroge sur leurs mobiles, les moyens de leur fin, la beauté inexpugnable de leur poésie. Tel un personnage un peu largué de Bolaño, il erre et vadrouille, en attente la plupart du temps de sa bien-aimée, Iris, même si, destin oblige, il finit par échouer dans un chenil-hôpital où des dizaines de chiens mènent la vie dure à la proprio. Un récit libre, sauvage, à la fois insouciant et inquiet (mais si…).
Si ça ne suffit pas à vous intriguer, voici deux des dix préceptes de l'écrivain qu'on trouve page 47:
"IX. N'écris pas sous le coup de l'émotion. Laisse-la mourir et ensuite, évoque-la. Si tu es capable de la ressusciter telle qu'elle était, alors tu es arrivé au milieu du chemin."
X. Quand tu écris, ne pense pas à tes amis, ni à l'impression que donnera ton récit. Ecris comme si ton histoire n'avait d'intérêt que pour le petit contexte de tes personnages, dont tu aurais pu faire partie. Ce n'est pas autrement qu'on tient la vie d'une histoire."
Voilà. A vous de jouer. A moins que vous ne préfériez lire un des quinze livres dont on parle partout dans la presse comme si la loterie faisait mal les choses…
Claro le 19/10/2021
Et ensuite m'écrouler: Malaicu-Hondrari sur la piste des écrivains suicidés