Souffle neuf sur le R &B d'ici avec Dune et Crayon

L’été approche et le duo Dune & Crayon sort la B.O. organique soul du moment. Après avoir collaboré avec Simian Mobile Disco, Phoenix et Yuksek pour Crayon et joué avec Saje pour Dune, le premier album plein de promesses est là : Hundred Fifty Roses. On s’épanche un peu dessus - sans se piquer, sauf de curiosité… à les entendre remettre en cause la masculinité.

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Signés sur Roche-Musique, Dune et Crayon ont fait leur éducation musicale sur la scène électro, grâce aux vinyles du catalogue Blue note, le hip-hop, l’easy listening, et les sons caressants californiens estampillés 70’s, autrefois ringards et redevenus hype en ce moment… Les lignes de basse fiévreuses et voix feutrées sont des motifs récurrents ici ; une chimie destinée à l'écoute nocturne qui réussit à évoquer une intensité rouge-brunâtre sur la majeure partie du disque. Au cœur de l’album, la rose, symbole romantique archétypal, est renversée pour représenter la vacance émotionnelle, la commercialisation stérile de l'amour et de la passion prenant sa place ; le cynisme concernant l'ennui induit par la technologie et les relations modernes se heurtant à une tension sexuelle sonique ininterrompue. Un poids émotionnel décliné au fil des titres via un électro-funk proche de Ratatat ou Chromeo - pour une dynamique qui sert de fil conducteur à l’album via de nombreuses collaborations : six des treize pistes du disques contiennent des collaborations avec d’autres artistes. « Les morceaux en collaboration sont arrivés très naturellement au fil de ses rencontres et des nombreuses jams qui ont suivi » explique Crayon. « Quand j’ai commencé à travailler avec Ichon pour son album par exemple, j’ai tout de suite eu envie qu’il fasse partie de notre aventure. » Le rappeur leur fait ensuite rencontrer les belges de L’Or du commun, amenant le MC Swing à participer. On retrouve aussi PH Trigano, autre producteur pour Ichon, ou bien des précédents collaborateurs de Crayon via Roche Musique, comme FKJ, Lossparado, et Gracy Hopkins, et enfin Aurélie Saada, membre du duo Brigitte, rencontrée via une connaissance commune. Pour clôturer le tableau, mentionnons aussi la présence de Thomas Clairice, ex-bassiste de Her, en tant que musicien de studio.

Toutes les chansons offrent une réflexion sur la masculinité toxique, fruit d’une mise à nu totale des deux artistes. Le travail de réflexion a commencé dans une période de déprime, d’épuisement psychologique, menant à une remise en question de leurs relations, de leur rapport aux réseaux sociaux, aux femmes, des codes à respecter. L’album devient une sorte de quête initiatique, où le duo se déleste petit à petit de ses poids. « On avait besoin de se créer un endroit ou on pouvait enfin être nous mêmes, échanger librement sans se juger l’un l’autre, avant de faire intervenir d’autres personnes. » déclaraient-ils à Tsugi dernièrement. Pour autant, la musique ne cherche pas à exprimer ces doutes directement : elle dégage un calme profond. « Ce contraste nous inspire » affirme le duo, avec une volonté de s’exprimer franchement, sans se mentir à soi-même, mais de le faire en douceur, sans faire du rentre dedans.


Hundred Fifty Roses est un bel exemple de production qui se libère - post confinement - dans un océan brumeux d'électronique, de G-funk et de disco - une ambiance langoureuse et incitative à la réflexion sur le sujet qui intrigue par son ambition et ravie par ses méthodes. On en redemande et vite ! Vous êtes prévenus, ce disque risque de tourner durablement sur vos platines - et dans vos têtes. So What ?

Jean-Pierre Simard le 27/05/2020
Dune & Crayon - Hundred Fifty Roses - Roche Musique

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