Kamasi Washington publie la B.O du film "Becoming" dédié à Michèle Obama
Alors qu'il existe une scène de jazz multi-générationnelle et florissante dans la ville natale de Michelle LaVaughn Robinson Obama, à Chicago, la musique de Washington, natif de Los Angeles incarne la vision, l'élévation et le sens de l'espoir de la présidence Obama, qui n'arrive qu'une fois par génération. Ecoute…
Kamasi Washington a été sollicité pour composer la musique de Becoming, le film documentaire de la réalisatrice Nadia Hallgren autour des souvenirs de Michelle Obama en 2018. Aujourd'hui, cette période évoque la brillance d’un phare dans un temps de constantes désillusions. Vous pourriez même avoir une boule dans la gorge lorsque le film ressort les images de 2008 des documents de la campagne de signatures de Michelle avec, en arrière-plan, une brève reprise de la chanson aigre-douce de Washington de 2015, "The Rhythm Changes".
Les 15 titres de l’album révèlent une nouvelle facette, toute de concision de la part de Washington, puisqu’à peine après une demi-heure d’écoute, le disque se termine, juste là où vous seriez ailleurs dans le troisième morceau de The Epic ou Heaven and Earth. Pourtant, une telle concision convient parfaitement à l’exercice, lui permettant d'envelopper des motifs pop dans de grands arrangements, tout en lui laissant la possibilité d'expérimenter différentes approches. Dans le film, il est rare que le saxophone passe au premier plan, mais cela lui permet de varier les approches les styles et de prendre plus de risques avec ces contraintes.
Kamasi file ici droit au cœur de la mélodie. L'orgue d'église du dimanche se marie parfaitement au vibrato de "Southside V.1". Avec ses cordes, il envoie un souvenir décoiffant du Last Tango in Paris de Gato Barbieri sur Take in the Story et s'insère majestueusement aux côtés des cuivres sur Provocation, qui illustre une scène décrivant l’attaque raciste auquel le président Obama a dû faire face pendant son mandat, plein d’anches battantes et de cuivres qui installent le suspense, avec son mouvement contrapuntique qui en fait le morceau plus dramatique jusqu’ici enregistré par Kamasi. Certains titres ressemblent à des bribes d'albums précédents de Washington, mais découpés au format bouchée de pain. Connections, Detail et Announcement pourraient facilement être confondus avec des extraits de Heaven and Earth, mais jouent en arrière-plan dans ce contexte. Aussi rafraîchissant qu'il soit d'entendre Washington travailler à plus petite échelle, il y a des moments où l'on souhaite que la forme compacte cède la place au maintien d'une ambiance - grandeur et décadence de la B.O. ! Dans Fashion Then and Now, juste au moment où les cordes frémissantes, le carillon du piano et les bois chauds commencent à créer l’ambiance, la pièce s'arrête brusquement. C’est rageant.
Le morceau le plus réussi est Song for Fraser, ballade aussi lente et enfumée que chez Stan Getz, où le ton de Washington est doux et enveloppant, mené par un vibrato velouté. Il y a même un vrai malaise quand il disparait en fond, après seulement deux minutes, mais dans le contexte du film, c'est encore plus déchirant. Michelle Obama se souvient avec tendresse de son père, Fraser Robinson III, qui se détend dans son fauteuil roulant en écoutant ses vieux disques de jazz. La partition de Washington est la parfaite évocation de cette époque révolue - une époque lointaine, et pourtant si proche dans nos mémoires.
Cela dit, on se positionne aux côtés de Spike Lee qui trouve la période ambigüe du fait qu’Obama a plus servi le pouvoir qu’il a fait avancer la cause des afro-américains. Et cela donne une autre lecture du film… pile et face d’un même black mic-mac ; mais évolution certaine. remis ne cause bien sûr, par l’arrivée du crétin blond en place depuis… Une jolie B.O; pour un docu Netflix, mais pas à la hauteur des sommets du Miles d’Ascenseur pour l’échafaud ou du Gato du Dernier tango à Paris. Vous savez tout !
Jean-PIerre Simard le 20/05/2020
Kamasi Washington - B.O. Becoming - Higher Ground