Avec Rim Battal le corps de la poésie pulse encore très fort
Vingt-trois poèmes entrechoquant les actualités critiques de 2015-2016 et les entrelacs permanents des vies résistantes.
Halal
Noiseuse notoire, Nezha au regard noir,
traverse la salle en babillant, sa voix
recouvre le bruit des seaux en caoutchouc
qui s’entrechoquent, le bris de l’eau et les
cris des petites aux peaux neuves
qui gigotent dans les bassines
Ici, on n’entend aucun téléphone sonner
Ici, il n’y as de réseau car on est au
hammam
Des mémés claudiquant comme des crabes
traînant leurs corps ankylosés par les ans
succèdent à des Vénus rasées à blanc
aux fesses immenses écrasées sur le sol
Une madone au dos exsangue
dans la bleue lumière d’une vitre teinte
me guigne lorsque, molle,
allongée sur le ventre je regarde
une femme enceinte
elle qui ne peut pas faire comme moi
semble pourtant triomphante
de son enfant prochain j’imagine que
ce doit être
un mâle
Je tends la main et touche ma toison
Combien de femmes ont-elles
avant moi rêvé sur ce marbre
écru et chaud de sucer
ici-même un sexe aimé d’ouvrir
le leur à deux mains et dire
eat me I’m halal
leurs peaux mortes qui voyagent
vers le caniveau et s’y confondent
ont-elles reçu tous ces baisers
dont je me vante tant ont-elles
été aimées comme mes lambeaux et tous mes recoins
jusqu’à ce que le cœur batte dans le sexe
jusqu’à ce que le sexe devienne le centre de tout
écrin de l’âme si cela veut dire quelque chose à quelqu’un
La dame qui m’exfolie les fesses avec un gant de crin
m’explique lasse qu’elle ne rêve qu’à raccrocher ce dernier
me parle de cette femme violée par son mari policier
et son meilleur copain
me dit son bonheur de ne pas être à sa place
me dit son bonheur d’être dite vieille fille.
Ses yeux brillent avec lenteur et sa chair.
Deux ans après « Vingt poèmes et des poussières », Rim Battal publiait en 2017 son deuxième recueil de poésie, « Latex », toujours chez LansKine. Composé de deux grandes sections, « Actualités », qui visite dix-sept pièces jonchées d’attentats meurtriers, de conférences internationales spectaculaires à l’utilité modeste, de réseaux sociaux obsessionnels, de journalistes et de politiciens pas véritablement à la hauteur ou de formidables métaphores interjetées laissant s’entrechoquer avec ruse station de métro parisienne et bataille de la deuxième guerre mondiale, et « Liaisons (forêts) », avec ses six pièces où le vers libre se transforme sous nos yeux en fleuve prosaïque sauvage, il est encore plus décapant, si c’était possible, que son prédécesseur, et d’une brutalité encore plus accessible, relativement rare en poésie contemporaine, comme le notèrent alors nombre d’observatrices et d’observateurs.
Géographie
Je ne sais pas comment l’on perd
du poids ou l’on en gagne
car pour moi il ne s’agit
ni de perte
ni de gain
simplement de la vie
son va-et-vient ; son mouvement
qui révise les géographies
fend frontières et creuse
les tranchées,
met en joue,
remplit le cuisseau de-ci
fait saillir un sein de-là
transforme sur-le-champ
une maigre branche
en top de Grazia
d’adolescentes simples
fait jaillir les callipyges
et sans pitié,
flétrit des sylphides
qu’on pensait survivre
cent ans
Non, il ne s’agit ni de perte,
ni de gain
simplement des selfies
qui se font
et s’oublient soudain
Revendiquant haut, fort et habilement une émancipation permanente, conduite tous azimuts, en toute méfiance des mots d’ordre et des orchestrations médiatiques n’ayant jamais peur du ridicule, mêlant souverainement le choc intime aux fracas du monde environnant, « Latex » joue rageusement avec les significations et les représentations, mais ne perd jamais de vue le rythme fragile avec lequel les cœurs multiples du monde s’obstinent à battre en nous, malgré avanies, désolations, mises en garde et assignations. Comme on pouvait le lire dans un article de Slate (ici) qui lui était consacré à l’occasion de la parution de son troisième recueil, « Transport commun », en 2019, Rim Battal voit dans l’expression poétique une capacité particulière « à faire passer une idée pas encore complètement mûre, une idée embryonnaire » et, avec Umberto Eco, et davantage sans doute que dans d’autres formes, à exploiter les possibilités d’ambiguïté et d’ouverture résiduelles : « J’aime ne pas avoir le dernier mot (…), que celui qui lise participe au sens ».
*Stalingrad
(Source : Wikipédia)
La situation stratégique globale
Adversaires épuisés
Une course contre la montre
La campagne de quarante-deux
Les échecs soviétiques du printemps quarante-deux
L’offensive allemande de l’été quarante-deux
Le plan initial
Les modifications
Bilan du plan bleu
Stalingrad : verrou sur la route du Caucase
Enjeux stratégiques
Enjeux symboliques
Déroulement de la bataille
L’avancée allemande vers la ville
Rapport de forces
Forces en présence
Conditions de combat
Perte
Prisonniers
Impact psychologique
Rim Battal - Latex - éditions Lanskine
Hugues Charybde le 18/05/2020
l’acheter chez Charybde ici