L'AUTRE QUOTIDIEN

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Vision queer : sympathy for the rare birds avec Kevin Moore

Les autoportraits de Kevin Moore font miroiter ses vues sur la visibilité et l'invisibilité, ce qui est reconnu et ce qui ne l'est pas, déployant genre, identité et acceptation en un puzzle en cascade de visions queer multicolores. Sortir du cadre, dit-il… 

Inspiré par le cinéma et la féminité, mon travail explore le caractère, la narration et l'identité. En enquêtant sur l'autoportrait, je demande aux spectateurs de réfléchir à leurs propres réactions face au fait d’être ou pas queer tel qu'ils le voient. En utilisant ma propre identité et mon expérience homosexuelle, j'espère engager le spectateur dans un ensemble de circonstances inconnues. Les photos posent la question suivante : pouvons-nous vivre confortablement en dehors de la norme ? Et comment ces personnages remettent-ils en question les idées sociétales sur la masculinité ?

Poussé par l'émotion et l'intuition, je produis un mélodrame qui reflète les idées de visibilité et d'invisibilité, ce qui est reconnu et ce qui ne l'est pas, des questions qui restent pertinentes dans la politique actuelle. Kevin Moore

Kevin Moore est en dernière année de photographie au Massachusetts College of Art and Design (BFA '20). Ce photographe, basé à Boston, a choisi de travailler l'autoportrait pour mettre en question sa propre expérience recréée et mise en scène. Pour affoler son objectif, il écrit intuitivement ses images qu’il scénarise pour devenir la base d’un discours cohérent.
Kevin est fortement influencé par la performance et le cinéma de genre, les idéaux de la culture américaine hyper straight du milieu du siècle dernier, ce qui génère un décor jusqu'où il peut transporter le spectateur.

En choisissant spécifiquement les images du rêve américain siglé 50’s, il remet en route l’imaginaire très particulier de cette époque à la morale qui manifestait un rêve très tordu de consumérisme béat, pro-atomique et réactionnaire rigoriste ; la fameuse Amérique des pavillons à barrière de bois blanc, celle d’un monde cadenassé et confit dans ses certitudes.

Dès lors, rouvrant la porte aux fantasmes de cette époque, il créé un décalage, en montrant des choses à la limite de l ‘entendement d’alors avec son rejet de l’homosexualité, en la décrivant précisément, comme étant là, sous-jacente et manifeste. Et d’autre part, nous la présentant telle quelle, il se réinscrit dans l’aujourd’hui, comme pour dire, qu’avec un crétin comme Trump au pouvoir, qui ne rêve que de ce moment où l’autorité était indiscutable et venue d’en haut, les choses sont quasi toutes à refaire… Mais aussi, il créé un prisme au travers duquel, il s’inscrit dans le paysage du passé, tout en montrant son actualité pour ce qui a bougé, ce qui doit encore se passer et ce que cela génère au niveau de la société - que de voir encore et toujours ces clichés, comme si l’histoire n’existait pas et le temps s’était figé dans une vision sclérosée du monde.

En affichant une position queer, il explose le mythe et la fonction de la star cher à Edgar Morin ( L’homme veut s’accomplir par la réussite, la femme – depuis Mme Bovary jusqu’à Marilyn Monroe – cherche à s’accomplir dans le vivre, c’est à dire l’amour, la relation avec autrui => les seules stars masculines qui se suicident le font par échec de leur carrière, mais Marilyn s’est tuée dans l’échec du vivre). En en brouillant les codes en vigueur, il en révèle l’innocuité, la temporisation auxquels ils donnent lieu.

Agissant ainsi, Kevin Moore repousse la barrière blanche du non dit, remet en question les images d’une masculinité du passé triomphant et oblige à reconsidérer vos options pour, à votre tour, sortir du cadre.
Plus sur son travail ici et

Jean-Pierre Simard le 12/05/2020
Oiseau rare : Autoportraits en forme de mélodrame de Kevin Moore