Avec Curandero, Orkestra Mendoza nique Trump à saute-mouton sur les frontières
On adorait le rock bucolique et barré de Calexico, ses ambiances décalées et on les retrouve naturellement avec un des membres, Sergio Mendoza qui brise les frontières musicales avec un bel aplomb - mais pas que - sur son troisième envoi. Revue de détails de Curandero.
Avant l’arrivée de la FM et les années 80, pour écouter autre chose que de la véritable variète verdâtre, il fallait vouloir manger autrement et visiter les officines et cantines étrangères qui passaient leur musique : un petit couscous pour le chaabi, une morue pour le fado, des bananes plantains pour le gros kâ, un bô-bun pour la musique vietnamienne - et les magasins branchés pour le rock et les fringues de cowboy. Plus tard, Dead Jacko avait même appelé ça : le bruit et l’odeur.
Mais, avec l’apparition de la world food, on peut faire chez soi ses nouilles au saté et s’enfiler des IPA avec du gorgonzola. Il en va ainsi de la vie de Sergio Mendoza, né à Nogales, en Arizona aux USA, mais qui a grandi dans la partie mexicaine de la ville (toujours Nogales), dans la région de Sonora. Le rock est entré dans sa vie, lorsqu’il est revenu aux États-Unis, dans sa jeunesse. « Je suis définitivement un fan de rock’n’roll » admet-il. « Mais les styles mexicains et sud-américains font partie de mon ADN musical. Dans mon esprit, cependant, Orkesta Mendoza est définifivement un groupe de rock. » Le morceau "Eres Oficial", par exemple, remonte le temps jusqu’au années 50 pour évoquer le fantôme de Buddy Holly. "Head Above Water" s’inspire du jeu de batterie du Stewart Copeland de Police, avec ses tambours forts et sa caisse claire mise en avant. "LiOle Space" lui, évoquait The Jam, avant que le chanteur Nick Urata de Devotchka ne transforme le morceau en cumbia mexicaine vintage.
Le malheur de Mendoza qui n’est pas un immigré - est qu’il se trouve face à un mur, celui de la connerie de Trump qui veut parquer les migrants au-delà de la frontière pour sauvegarder son fantasme de pureté avec limite visible ( pas autant que sa bêtise incommensurable) … Mais, depuis toujours à mixer les recettes musicales, cette fois, la parade est comme toujours culturelle, en appliquant sur ce troisième album du groupe, sa fusion musicale de boogaloo, cumbia, ranchera et rock’n’roll; car, parfois, les choses se font simplement. C’est ce qui s’est passé pour Orkesta Mendoza, les chansons venant les unes après les autres pour ce nouvel album, Curandero, leur deuxième pour Glitterbeat après ¡Vamos A Guarachar! en 2018. Les planètes se sont alignées et l’ensemble a été composé, enregistré et masterisé en quelques mois. « Nous l’avons fait si vite que le ton est léger » explique le leader Sergio Mendoza.
« Tout s’est déroulé avec très peu de réflexion ou de planification. Je suis parti en tournée, puis, je suis retourné en studio en août 2019 » se souvient Mendoza. « Nous avons écrit toutes les nouvelles chansons. Aller vite nous a permis d’avoir une approche différente et de ne pas être trop sérieux. Certains morceaux sont très ludiques, avec de la joie dans chaque note. La musique s’écoule comme elle doit. Elle traverse et retraverse les frontières entre Mexique et États- Unis. Elle mélange pop et rock avec des bribes de ranchera et de cumbia. Le tout survole l’esprit boogaloo des années 60. Un morceau peut avoir des paroles en anglais, espagnol et espanglais » continue Mendoza. « Joe Cuba a mélangé les rythmes latins, la soul et le R&B ensemble pour créer quelque chose de nouveau. »
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Mais, on retrouve d’autres invités sur l’album : Joey Burns de Calexico (dont Mendoza est aussi un membre) est à la guitare et à la basse sur "No Te Esperaba", où l’on retrouve aussi Chetes du légendaire groupe mexicain Zurdok. La chanteuse espagnole Amparo Sánchez chante sur "Boogaloo Arizona". Sur le morceau de clôture, "Hoodoo Voodoo Queen", le groupe est rejoint par les harmonies vocales de Moira Smilie, Carrie Rodriguez et Gaby Moreno.
Alors, on apprécie le mélange qui aère les neurones, le swing qui fait danser les confinés, et l’idée que manifester l’ailleurs, c’est déjà lui donner vie !
Jean-Pierre Simard le 16/04/2020
Orkestra Mendoza - Curandero - GlitterBeat /Modulor