Jon Hassell & Farafina = excellent “Flash of the Spirit” !
Importante figure de la musique moderne, et pas seulement populaire, le trompettiste Jon Hassell a bousculé les frontières du jeu et de la production, en mixant des sons et des manières de produire, alors inusités. Ici, produit par Eno et Lanois, son world-jazz- electro ambient trouve de nouvelles couleurs avec les percussionnistes de Farafina.
Si à la fin des années 80, vous aligniez à la production à la fois Brian Eno et Daniel Lanois, vous aviez une tuerie qui en ressortait. Se souvenir à l’époque des U2, Bob Dylan etc. Mais, quand l’idée de quatrième monde musical surgissait, à la suite des premiers Hassell ou du My Life in the Bush of Ghost co-signé Byrne/Eno (d’après la démarche d’Hassell, mais sans lui) l’inventeur du registre musical se devait à l’excellence. Comme ici, avec sa rencontre avec les percussionnistes de Farafina. Avant lui, seuls Robert Wyatt et Don Cherry osaient s’aventurer en terra incognita, en héritage du free et de la chanson populaire.
Pionnier de la musique du Quart Monde, qui mélange jazz, ambient et minimalisme avec des instruments et des harmonies traditionnels d'Afrique et d'Asie, Hassell a collaboré pour la première fois avec le groupe burkinabé Farafina en 1987. Flash of the Spirit mélange les sons de percussion et les voix de Farafina avec les sons de trompette et de clavier traités numériquement de Hassell. Il fait suite à la sortie l'an dernier, via Ndeya, du premier album de Hassell depuis près d'une décennie, Listening To Pictures (Pentimento Volume One).
Côté Farafinia, l’apport est là avec les rythmes puissants, les chants traditionnels des griots Maliens et les instruments africains investis du savoir (balafon, flûte Peul, kora, djembé, tama et doumdouba). Les musiciens traduisent à leur façon les réalités africaines, la mangécratie (à manger pour tout le monde avant la démocratie), et leur musique traduit cette énergie et cette tradition transmise par le berger forgeron et les enfants griots. Certes, aujourd'hui, on ne joue plus sur le tambour en boîte de lait condensé, mais l'ambiance positive demeure, toujours aussi communicative.
Et côté Hassell, on retrouve, comme dit plus haut, les nappes, les trompettes synthétisées et les rythmes ici à visée africaine (mais pas seulement) transmutés par les deux producteurs qui ont organisé la rencontre. A la découverte d’un nouvel univers sonore, les Burkinabés de Farafina offrent une unité à la coloration musicale et une présence continue qui fait avancer le son, sans cesse démonté et poussé ailleurs par un Hassell qui se moque autant des registres que des modes musicaux à une seule sonorité. On passe ainsi de l’Afrique à l’Orient, au détour d’un souffle, d’une percussion ou d’une nappe de synthé.
Et c’est tout le bonheur de cette rencontre - qui a failli ne pas voir le jour, les burkinabés ne comprenant pas, dans un premier temps, la démarche ni les enjeux du trompettiste - que d’entendre au fil de l’album, les frontières musicales évoluer d’un pays à l’autre, d’une mélodie à l’autre et prouver ainsi que celles-ci, n’ont de valeur que dans la tête de ceux qui y croient pour se rassurer. Au-delà, il reste la musique et vous ! Très belle rencontre. Très bel album indeed.
Jean-Pierre Simard le 24/02/2020
Jon Hassell/Farafina - Flash of the Spirit - Capitol