Point mode future au Palais de Tokyo avec SPHERE
Pendant que 34 maisons présentent, du 20 au 24 janvier 2020, leur collection haute couture printemps-été 2020 à Paris, nous sommes allés au Palais de Tokyo, voir ce qu’il en était de ceux qui ne défilaient pas ou peu (dont Gamut - les Belges dont on a déjà parlé) et entendre de quoi étaient fait les projets de mode et d’entreprise de ceux qui présentaient leur collection automne-hiver 2020… Qu’est-ce qui peut réunir 9 marques en devenir au Palais de Tokyo, sinon l’événement Sphere, organisé par la Fédération de la Haute-Couture et de la Mode ? Après les avoir tous croisés, on se dit que l’esprit du temps est au recyclage, à l’éco-responsable, à la transmission avec toujours cette envie inextinguible de renouveler la garde-robe contemporaine. A part ça, Gaultier s’arrête, mais pas vraiment …
Blue Marble est une marque française de prêt-à-porter masculin basée à Paris, créée par Anthony Alvarez en 2017. Avec son équipe creative, il élabore ses collections avec, comme point de départ et inspiration, une ville différente pour chaque saison - cette année Glasgow- ; une ville choisie pour son histoire, sa culture urbaine contemporaine et ses influences multi-culturelles. L'esthétique BLUE MARBLE vise un prince urbain aux goûts raffinés qui aime affirmer sa nature rebelle et son envie de remettre en cause l'establishment. Rebel chic.
Pas de rebel chic chez Boyarovskaya qui a été fondé en 2016 à Paris par Maria Boyarovskaya et Artem Kononenko. Maria a fait ses armes en tant que designer junior au Studio de Givenchy puis John Galliano, Artem est lui photographe de mode. Le duo propose une élégance contemporaine faite de belles matières avec un goût particulier pour les coupes déstructurées. Jouant à déconstruire les codes de la couture, leurs vêtements sont minimalistes et souvent décomposables. Faux classique, mais vrai contemporain…
“ Nous nous considérons comme des artistes visuels. Chaque collection veut évoquer l’esthétique qu’une oeuvre d’art doit provoquer ‘’. EGONlab est une jeune marque française à l’identité visuelle inspirée par les mouvements artistiques qui ont fortement influencé la société contemporaine. Chacune de leurs collections proposera une réinterprétation artistique de ces révolutions et des effets d’entraînement qui en découlent. Fusionnant la mode, la musique, le motion design et l’art, EGONlab est un mixed media, à la fois une marque unique en son genre et un mouvement en soi offrant une expérience totalement immersive et unique à ses consommateurs.
La marque Ester Manas a été créée par les designers Ester Manas et Balthazar Delepierre, tous deux formés à La Cambre en Belgique. Ester Manas fait ses armes chez Annemie Verbeke, Balenciaga, Paco Rabanne ou encore Acne Studios. Sa dernière collection lui ouvre les portes du H&M design Award, ainsi que celles du Festival international de la Mode à Hyères en avril 2018. Balthazar Delpierre privilégie quant à lui l’approche visuelle de la création et collabore avec des magazines, galeries d’art ou musées. Ensemble, ils proposent une mode en taille unique, un vêtement manifeste qui s’adapte à chaque femme. En offrant des créations qui peuvent se moduler avec des pinces ou des sangles, chaque pièce peut aisément d’un simple boutonnage ou tirage de sangle passer du 34 au 44. Les acheteurs adorent :-)
Mossi passe son adolescence dans une cité du Val-de-Marne et découvre la mode en volant dans les grands magasins lors de ses escapades parisiennes. En 2018, Mossi est devenu une marque de prêt-à-porter pensée dans un esprit d’intégration et surtout de partage d’élégance raisonnable. 100% « made in France », ses collections sont produites en banlieue aux Ateliers Alix, établissement de formation fondé par Mossi Traoré, créateur donc, mais également entrepreneur social. La marque se nourrit de collaborations artistiques et de savoir-faire artisanal. Comme tout entrepreneur, Mossi a une raison d’être, celle de donner aux femmes la possibilité de s’habiller chic sans forcément faire crâmer sa carte de crédit. Ses silhouettes évoquent la rigueur et l’esthétisme de la couture, en revendiquant l’héritage croisé de Madame Grès et d’Issey Miyaké.
En 2019, Mansour Badjoko et Martin Liesnard lancent Mansour Martin. Tous deux d’origine belge, ils suivent deux parcours très différents. Mansour Badjoko a étudié à La Cambre et l’Institut Français de la Mode. Martin Liesnard a suivi un parcours universitaire à Paris en management du luxe, de la mode et du design. Ils combinent aujourd’hui leurs parcours et leurs savoir-faire complémentaires dans un duo créatif qui explore, sans frontière, les notions de diversité des genres, d’identités, et d’évolution de notre société, en combinant des inspirations pop, urbaines et culturelles afin de créer un univers aussi sophistiqué que fantaisiste. Des vêtements pour un garçon sensuel, curieux, assumé, rêveur, aussi pensés pour les femmes. Le duo créatif partage une passion commune et un engagement pour une mode consciente, durable et respectueuse. Les pièces sont confectionnées en Europe et sont, pour la plupart, éco-responsables.
Basé à Paris, Kits est un collectif de trois membres, dont deux directeurs artistiques issus du Studio Berçot. Dorian Walleck a fait ses armes en tant que styliste au sein du bureau de Marie Amélie Sauvé, ainsi qu’au magazine Numéro. Kim Thran, a été styliste en freelance puis pour le groupe Sprung Frères. Saveria Mendella, doctorante en anthropo-linguistique, entre dans le monde de la mode via la communication.
En 2017, ils créent la marque Kits, dont le nom est directement inspiré du styling kit. Les designs sont inspirés des basiques du vestiaires mixte pour contourner la saisonnalité de la mode et confectionnés à partir de matériaux existants (collants, patrons, chute de tissus) afin d’éviter le gaspillage et la surproduction de matières. Les collections suivent un processus d’upcycling et sont produites artisanalement dans un atelier de couture parisien. La descendance de Xuli Bët est là qui cherche d’autres voies.
Simon Lextrait est né et a grandi en Ardèche, dans le sud de la France. Après avoir suivi les cours d'Histoire de l'Art, d'Archéologie & d'Anthropologie et la classe préparatoire à l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Lyon (FR), il intègre la Haute Ecole d'Art et de Design de Genève (CH) puis la Gerrit Rietveld Academy d'Amsterdam (NL). Créée en 2017, Simon Lextrait est une marque de prêt-à-porter indépendante et émergente qui s'est développée de manière organique, sans soutien financier, d'un projet personnel à une entreprise durable. Simon a déjà collaboré avec Kostas Murkudis, Lotta Volkova et Y/Project entre autres. Il vit et travaille à Paris.
GAMUT est animé par sept créateurs/trices de mode, tou·te·s passé·e·s par La Cambre Mode/s/ à Bruxelles. Basé à Paris, composé d’individus aux personnalités et aux parcours artistiques très variés, accompagné par des musicien·ne·s, photographes, vidéastes, graphistes, chorégraphes, stylistes, (...), GAMUT choisit de maintenir ses liens avec d’autres disciplines, et s’engage dans un mouvement plus ample que la création de vêtements. Conçu comme un laboratoire, il fonctionne sans chef, et prend vie à travers une recherche contributive, ouverte et collective. GAMUT est né de la volonté d’établir un modèle horizontal, une alternative concrète aux premières expériences professionnelles de ses membres. GAMUT est un sixième individu qui existe indépendamment de chacun·e. La création s’effectue dans une approche totalement collective et égalitaire. Chaque proposition est discutée et approuvée en commun, dans une démarche positive et bienveillante et s’inscrit dans un rapport au pouvoir différent, neuf, spontané : volontairement construit en marge du système hiérarchisé actuel, GAMUT est une solution d’émancipation, un projet de liberté. Leur mode de fonctionnement (encensé par la presse européenne) n’a pour l’instant pas l’heur de plaire aux acheteurs qui ne savent comment discuter avec un collectif. On espère que cela va changer car leurs propositions sont alléchantes, à remette de la mode dans tous les instants festifs de la vie …
De l’idée à la production, ces nouveaux créateurs cherchent à penser le vestiaire de matière responsable. Soit en recyclant, les matières ou en les produisant bio, soit en créant des écoles pour maintenir le savoir de la mode d’ici, soit encore en cherchant de nouvelles formules de fonctionnement, de décision et de création. On y a retrouvé un certain esprit des années 80 qui avait durablement secoué Paris et fait habiller les Rita Mitsouko ou Daho par J-P Gaultier. Que souhaiter de pire à ces nouveaux entrants ?
Jean-Pierre Simard le 21/01/2020
Sphère au Palais de Tokyo 2020