Amadjar, ou sous les étoiles avec Tinariwen
“Amadjar”, 9e opus de Tinariwen, a été enregistré à l’issue d’un périple qui a vu le groupe traverser le désert entre Taragalte, oasis du sud-est marocain, et Nouakchott, au bord de l’océan Atlantique, aux environs de la capitale mauritanienne. Les 13 titres qui le composent, tour à tour poétiques, revendicatifs et militants parlent de la probable disparition du monde des hommes bleus et de leur essence nomade. Dernier tour de piste sous les étoiles.
L’un des compositeurs, chanteurs et guitaristes du groupe, Abdallah Ag Lamida, revenait pour RFI sur ses conditions d’enregistrement : “Le voyage, la route, le rapport à la nature et le plaisir de se retrouver en dehors de nos tournées sont des éléments qui nous ont permis de faire ce disque, de choisir le répertoire parmi les centaines de chansons que nous avons écrites depuis 30 ans, et d’en composer de nouvelles. Nous avons veillé lors de l’enregistrement, à conserver l'esprit de ces chansons travaillées, répétées, le soir lors des bivouacs, autour du feu.”
Il continuait ainsi à propos de Taqkal Tarha, un titre sur le changement en cours de leur mode de vie : “Cela fait plus de 40 ans que notre peuple vit entre cinq frontières suite à la décolonisation et aux tracés qui ont divisé le Sahara en différents pays. Nous souhaitons pouvoir circuler librement sur la terre de nos ancêtres, mais malheureusement cela est de moins en moins possible. Les Touaregs sont de plus en plus contraints à se sédentariser. À cause des sécheresses, du manque d’eau et de pâturage, des conflits ethniques, de l’islamisme radical, notre peuple est obligé de fuir et de s’installer en ville. Si cela continue ainsi, nous allons vers la fin du nomadisme tel que nous l’avons connu, et par conséquent la fin de notre culture, de notre mode vie, simple et proche de la nature.”
Cette écologie musicale et politique trouve des résonances autour du monde car, les invités y sont aussi nombreux que divers (aussi musicalement que géographiquement) : la griote mauritanienne et joueuse d’ardîn (instrument à cordes joué en Mauritanie et en Afrique de l’Ouest) Noura Mint Seymali et son mari, le guitariste Jeiche Ould Chigaly. Mais aussi bien : Warren Ellis, le violoniste de Nick Cave, Micah Nelson, le fils Willie Nelson et guitariste de Neil Young, ainsi que les guitaristes Stephen O’Malley, Cass McCombs et Rodolphe Burger.
Nul doute que, la nuit, vue/entendue des étoiles, la musique n’a que faire de la mondialisation et qu’elle reste un facteur d’union et de partage. Et à ce propos, Abdallah Ag Lamida d’en vanter les mérites : “ La nuit, la chaleur tombe, les bêtes sortent chasser et se nourrir. C’est le moment où nous nous retrouvons pour chanter en préparant le repas du soir. La nuit nous inspire, car nous sommes avec les étoiles.” Alors, le casque sur les oreilles, dans le métro, vous pouvez fermer les yeux et vous laisser emporter au fil de la musique qui ondule au détour des dunes. Seul problème, un fois emportés - ne ratez pas votre correspondance. C’est addictif. Vraiment !
Jean-Pierre Simard le 12/09/19
Tinariwen Amadjar (Wedge/PIAS)