Les ombres blanches de Saint-Petersbourg avec Alexey Titarenko
Premier reportage de Pascal Therme sur le festival de la Gacilly, avec une thématique de l’année : A l’Est du nouveau, vu par Alexey Titarenko et ses éclairs de mélancolie spectrale.
« Alexey Titarenko ne s’intéresse pas à une action ou à un événement extérieur, mais à la mélodie d’un état intérieur. Il l’a entendue en lui-même, en se promenant dans le quartier de Kolomna, où vivaient et souffraient les héros de Dostoïevski. Les passants qui cheminent aujourd’hui sur les quais du canal Griboïedov et de la Fontanka, ou près du marché au Foin, ressemblent à ceux que pouvait rencontrer ce grand écrivain. L’obscurité diaphane, tendre et bleutée, devient omniprésente et atténue les différences entre les éléments. Elle les recouvre, les rapproche et permet ainsi une accalmie temporaire. La lumière faiblarde et l’ombre glissante se rencontrent avec harmonie et enveloppent les bâtiments, les arbres et les êtres, qui semblent unis par un mystère tragique. Nous venons de pénétrer par la musique de la mélancolie, dans le monde d’Alexey Titarenko. »
C’est ainsi que le critique d’art Georges Golenki décrit le travail de ce photographe russe installé aujourd’hui à New York. Cette exposition présente deux séries complémentaires : La nomenclature des signes, des photomontages et collages réalisés par l’artiste à ses débuts avant la chute du communisme entre 1985 et 1991 ; et Ville des Ombres, un portrait onirique de Saint-Pétersbourg avec des photographies réalisées entre 1991 et 2000.
Sombres et baignés d’irréalité, ces clichés montrent des vides ou des pleins, des foules ou des places dépeuplées. Les longs temps d’exposition rendent fragiles et fantomatiques ces sujets, présents en filigrane, par un effet qui rappelle les mouvements démultipliés de la chronophotographie et les clichés de spectres et d’esprits, très prisés dans les salons de la Belle Epoque. Ces images rendent avec force la puissance d’une foule urbaine en mouvement ainsi que sa fragilité, son effacement.
Le style très personnel d’Alexey Titarenko lui a été inspiré par les contraintes techniques de la photographie française du XIXe siècle. Saint-Petersbourg domine son oeuvre mais il a aussi travaillé à Venise et à La Havane, des villes dont l’atmosphère historique intensifie le caractère intemporel de ses images. IL s’en explique ici :
Les fantômes sont inscrits dans les rues de ces pays au passé glorieux, parfois communiste, souvent grandiose. Que reste-t-il de ces soulèvements de masse? Des ombres en errance. Alexey Titarenko est né en 1962 à Saint-Petersbourg. Il vit actuellement à New York. Et ne serait-ce que pour son travail, la Gacilly mérite une visite…
Pascal Therme le 25/06/19
Alexey Titarenko - Saint-Pétersbourg, la Ville des Ombres -> 30/09/19,