Appel au soutien des gilets jaunes : tous les travailleurs culturels ne sont pas des stars !

Je suis un de ceux qui ont initié le collectif Yellow Submarines et l'appel des 1400 personnes des métiers de la culture que vous avez vu passer ce week-end dans la presse. Vous ne me connaissez pas et c'est bien normal, car je suis comme nombre des signataires de cette tribune, une petite main du secteur de la culture.

Je suis scénariste, c'est à dire en bas de l'échelle du processus audiovisuel. En tant qu'auteur, je ne suis pas salarié, n'ai pas droit au chômage ni aux congés payés. J'écris des histoires que tout le monde voit mais moi je suis invisible aux yeux du public. Ceux avec qui j'ai créé ce collectif sont comme moi, des gens qui bossent dans le secteur culturel sans être des vedettes.

Certains d'entre nous sont des GJ qui descendent depuis le 17 novembre.
Pourquoi avoir lancé cet appel ? Pourquoi maintenant ? 

Une première réponse que je pourrais vous faire est de vous raconter comment moi j'ai vécu ces 6 derniers mois. Dès le 17 novembre, j'ai été sidéré par la déterminations des GJ, fasciné et admiratif. J'avoue ensuite avoir eu la trouille de descendre en voyant la violence des flics dès les premières manifs. Mais j'ai bien compris ce qui se jouait et j'ai immédiatement et ouvertement soutenu le mouvement.

Mais je ne savais pas si je devais descendre. Je ne savais pas si j'étais un GJ. Étais-je légitime ? Donc j'ai continué à soutenir, à poster, à débattre à essayer de convaincre que les GJ nous rendaient le service du siècle sans aucun doute. 

Ça n'est pas à vous que j'apprendrais ce que cela m'a valu en termes de moqueries, leçons, engueulades, etc... mais je n'ai jamais plié, convaincu que le combat des GJ était juste. J'ai continué à suivre les manifs, à m'informer et à informer autour de moi sur ce qu'il se passait mais le silence était glaçant, terrifiant, assourdissant. Je m'attendais à ce que des grands noms de mon secteur prennent la parole. Un grand réalisateur, une grande actrice... mais non, rien ! 

Puis il y a eu l'histoire de Christophe Dettinger. Là j'ai bondi en voyant que ce héros allait payer pour l'exemple. J'ai pris mon téléphone et commencé à remuer ciel et terre dans mes contacts afin de lancer un appel à tous les artistes, stars ou inconnus, à protester contre cette arrestation politique grossière. Mais nous sommes dans un métier difficile, où les gens craignent parfois d'être blacklistés et de ne plus jamais travailler s'il prennent des positions politiques trop marquées. 

Le temps passait et j'étais catastrophé de me dire que mon secteur professionnel, qui est censé réfléchir sur la vie, la société et la politique, qui se sert de ces choses comme matière, qui se sert de l'humain comme matière, était plongé dans la léthargie. J'avais honte, de moi et de mes confrères aussi. Où étaient donc passées nos belles idées et nos convictions ?

Puis il y a eu l'armée dans les rues. Là, c'est la première fois que j'ai décidé de descendre aussi, la coupe était pleine pour moi. Et depuis, je descend à chaque acte.

Certains comme moi, avaient le courage de s'exprimer, aussi j'ai trouvé un camarade pour m'aider, puis deux, puis trois et cela nous a pris beaucoup de temps. Trop de temps. Mais nous sommes quand même parvenus à regrouper un petit noyau de personnes et nous avons mis en commun nos savoirs et réseaux pour lancer cet appel le plus largement possible au sein de notre secteur et mobiliser les gens.

Notre démarche a été la suivante : rompre le silence du monde culturel sur ces événements historiques que les GJ ont provoqués. Et aussi faire de la contre-propagande pour répondre aux mensonges et accusations ignobles du gouvernement et de ses sbires, éditorialistes et philosophes de caniveaux, à propos des GJ. 

Nous avons donc, volontairement, joué le jeu de leur société du spectacle pour les frapper de l'intérieur et démontrer ainsi que les accusations étaient de la manipulation. 

Qui penserait que des actrices césarisées, un compositeur oscarisé, des autrices qui ont reçu des prix Femina ou encore un chevalier des arts et des lettres détenteur de la légion d'honneur soutiennent des cannibales, mangeur d'enfants ou que sais-je encore ? 

Nous nous sommes dit que ça ferait réfléchir les endormis et que ça pourrait aussi réchauffer le coeur de ceux qui luttent dans des combats de rues de plus en plus violents chaque samedi depuis tous ces mois.

Quand nous lisons le fiel des articles des tabloïds ou quand nous analysons la façon dont la presse macronienne à présenté l'appel, en ne mentionnant que Juliette Binoche et Emmanuelle Béart en en occultant complètement la réalité des 1300 signataires qui sont de simple travailleurs anonymes, nous comprenons bien les réactions de certains GJ ou même celle de Michel Onfray, homme brillant par ailleurs, qui est tombé dans le piège tendu par les médias aux ordres. Ils se sont bien gardés de dire que Denis Robert, qui a risqué sa vie pour dénoncer des scandales financiers, signait aussi cet appel (des quatre mains selon ses termes). Ils ont tout fait pour le décrédibiliser.

Nous nous attendions à cette riposte évidente de la macronie.
Plutôt que de faire une conférence de presse pour nous en expliquer devant la presse gouvernementale, nous avons préféré venir parler avec les GJ ici et de répondre à vos questions et critiques ici. 
N'hésitez pas.

Sachez, en outre, que nos actions au sein du mouvement ne s'arrêteront pas à une simple déclaration d'intention, nous irons au bout et descendrons jusqu'à la victoire ou la défaite. Et nous utiliserons nos ressources, nos savoirs et nos talents pour soutenir les GJ, car nous sommes des GJ !

Fraternellement,

Emmanuel Leduc pour le collectif Yellow Submarines
Collectif Yellow Submarines
http://www.nousnesommespasdupes.fr/