Serfs Up, la réunion de famille des Fat White Family
On va parler de renaissance - le terme employé dans le monde rock - quand un groupe au bord de l’implosion pour addictions diverses et déconnades en cascade se reprend en main pour aller chercher ailleurs ce qu’ils n’arrivent plus à concocter en commun. Et ce Serfs Up en est témoin, c’est mieux que bien.
Songs For Our Mothers faisait impression, il y a trois ans mais, à la manière du premier album du Villejuif Underground, brouillon épars, plein de promesses pas tenues et de velléités de grandeur glandeuse mais qui, avec ses titres addictifs, emportait l’adhésion en laissant un petit goût de vomi durable au fond de la gorge. Addictions aux drogues, guerres d’égo, polémiques autour de certains clips vidéo, ou bien encore tournée promotionnelle virant au fiasco, il fallait du recul et de la hauteur à la bande des frères Saoudi et de Saul Adamczewski pour entrevoir un futur commun. Chacun est donc allé vaquer à ses propres occupations, en s’éloignant de Londres et de ses vices, mais aussi en évoluant dans d’autres formations comme Insecure Men, The Moonlandigz ou encore Warmduscher, comme pour mieux réapprendre et se nourrir d’idées neuves.
Et si, la dernière fois, on avait bien un tas de paillettes éparses au sol, ici, on a enfin le kaléidoscope pop du moment qui fait bien sûr référence au Beach Boys de Surf’s Up. L’album est une totale réussite et offre, à chaque morceau, son lot de surprises. L’ouverture Feet est à la mesure de ce que se doit d’être un tube pour les Fat White Family. Lias Saoudi y est convaincant en crooner inquiétant et inquiété, le tout sur une rythmique façon hit disco des années 80 associée à quelques percussions macabres. Le ton est donné. Plus loin, Vagina Dentata nous transporte avec des arrangements sensuels. Puis, le coucher de soleil nucléaire à ambiance pop tropicale de Kim’s Sunset joue dans la même cour que Gorillaz, sur des paroles faisant écho au dictateur nord coréen et à ses missiles adorés. On installe un bon groove industriel sur Fringe Runner, on délivre une ballade aux arrangements Beach Boys sur Oh Sebastian … Les mecs de Fat White Family mettent un doigt fièrement debout à l’image qu’on se faisait d’eux en arborant des couleurs pop très british sur des titres comme Tastes Good With The Money (feat. Baxter Dury) et Rock Fishes.
En sortant du format strictement rock, ils se refont une virginité garantie pur beurre et réajustent leurs délires sur d’autres terrains, mélangeant ainsi le lumineux et le macabre, le festif et le torturé, le suave et le brutal, la politique et le cirque. Quinte flush !
Bob Mono le 23/04/19
Fat White Family Serfs Up Domino/PIAS