Philippe Mayaux et la métaphysique duchampienne en peinture
“Philippe Mayaux ressemble à un plongeur de haut vol, capable des pirouettes les plus insensées. Or, ce cascadeur hors pair se plaît à atterrir systématiquement sur le ventre, dans une posture volontairement grotesque, éclaboussant généreusement les abords du bassin…”
…Peintre de placebos à usage domestique, sculpteur de bûches électriques, poète du « feu qui brille dans l’âtre en placoplâtre », technicien de la vis sans fin, promoteur de « l’Avancée du Désert », Philippe Mayaux est un traître magnifique. Il nous fait toucher le sublime pour mieux casser les jouets qui nous fascinent, il flatte, perce, recommence.” (Marc-Olivier Wahler)
Philippe Mayaux est un artiste plasticien français né en 1961 à Roubaix (Nord). Il vit et travaille à Montreuil. Actif depuis le début des années 1990, il se situe dans la double lignée de Marcel Duchamp et Francis Picabia en proposant des œuvres aux couleurs criardes aux réminiscences souvent érotiques ou sexuelles. Il est lauréat du Prix Marcel Duchamp 2006, distingué "pour l'originalité de son travail, l'ambiguïté joyeuse et les sens multiples de son oeuvre".
Tout intéresse cet artiste : nature des sciences, philosophies du mouvement, politiques individuelles, psychanalyse du chaos, écologie de la raison, histoire du besoin de croire, chanson des sirènes, formules des farces, recettes des trappes, effets sociaux et même l’art de la table et du cacao. Tout ce qui peut améliorer l’entendement de sa conscience entre dans sa palette ou devient son petit outil. En adepte du hasard, il ne veut rien négliger sachant que les petites causes ont toujours de grandes conséquences. C’est la force motrice de son univers, sa constante cosmogonique.
Il observe volontiers ces moments singuliers où, aspirant à découvrir l’impossible, l’homme au bord d’un lac inquiétant confond dans ses reflets une souche flottante avec Nessy. Aspirant tant à croire, le sujet finit par voir inévitablement l’objet de son désir. Il est de ce genre d’homme qui n’hésite pas à relire l’histoire des dieux à travers l’histoire géologique. Il pense que la culture sert justement à ça : comprendre que les mythes se fondent souvent sur les (faux) souvenirs traumatisants de catastrophes naturelles majeures.
En effet, comment interpréter un tsunami au temps de Moïse sinon en y voyant l’intervention d’une puissance divine ? Comment concevoir dans l’esprit d’un certain Noé que la Méditerranée, se déversant dans la Mer Noire, commence à inonder son champ et ses vaches?
Il se rapproche d’une vision de l’évolution qui fait que la Nature, jouant avec le hasard, ne tend pas nécessairement vers un dessin intelligent ou vers une perfection ultime comme l’accomplissement d’elle-même. Elle serait simplement pleine d’imagination. Il aime le visage de la Joconde avec sa bouche qui ne sourit pas et son regard enjoué de nous avoir berné, de nous avoir leurré d’une mimique naturellement impossible. Il en déduit que, si pour beaucoup les illusions deviennent des vérités, l’illusion en tant que telle est une des couleurs permanentes à poser sur sa palette des indispensables. (Eric Simon sur son blog)
Vous aurez compris à la lecture de ce qui précède que Mayaux n’en fait qu’à sa tête et que son approche de la peinture ne lâche rien de son histoire. Il déclarait dernièrement à Beaux-Arts Magazine ceci :
Quand je suis entré aux Beaux-arts, je voulais faire du cinéma et travailler dans les effets spéciaux. J’ai compris que l’art était le meilleur effet spécial que la Terre ait porté. De Chirico a été une révélation.
Je crois beaucoup en la force magique de l’art. Au début, j’utilisais des couleurs extrêmement toxiques. J’ai même écrit des insultes sur des toiles avec de l’aluminium de plomb avant de peindre par-dessus.
Mon travail est basé sur l’oxymore typiquement Magrittéen. La peinture permet de ne pas être débordé par la technique qui est vite obsolète. Tout le système mercantile de la technologie est basé sur ce phénomène. La peinture, elle reste inchangée, comme l’encre.
Il ne faut jamais croire que la peinture est dépassée. Elle est ici-même capable d’interpeller et d’offrir un questionnement sur le quotidien. De biais, bien sûr, mais sans cela, elle serait déjà datée. Ce qui n’est pas le cas présent !
Jean-Pierre Simard le 12/01/19
Philippe Mayaux Tableaux 1989–2019 → 16 mars 2019
Galerie Loevenbruck 6, rue Jacques Callot 75006 Paris