7 fois Pauvros en images (et en sons bien sûr… )
C'est crade. L'idée que le rock doit être crade. Out of control. Un jeu de rôle. Sortir de son corps. La transe par le volume sonore. Hendrix à Monterey met le feu à sa guitare. L'écrase contre les enceintes. Wall of sound. Coups de reins suggestifs. Le sexe et la mort conjugués. MC5. Jean-François Pauvros entretient cet héritage.
Au début de Don Pauvros de La Manche, un des sept films que Guy Girard lui consacre et le principal du coffret DVD, le guitariste se fait cuire un œuf sur le plat, mais il le fait de cinquante centimètres de haut et le jaune explose dans la poêle qu'il gratte avec sa fourchette, c'est l'omelette free. Sur le manche les doigts se libèrent de la discipline. Partout où il passe, la guitare trépasse. Résurrection. Elle tient le coup. Lui aussi. Il y a toujours une guitare dans le champ. Ça cogne. Ça piétine. Ses fréquentations sont souvent sulfureuses, le guitariste japonais Keiji Haino, le poète Charles Pennequin ou le trompettiste Jac Berrocal. De temps en temps il met de l'eau dans son vin, il n'est plus à ça prêt, il croise le pianiste anglais Tony Hymas, il joue le blues, il chante, bien. Il accompagne les images grattées de Vincent Fortemps. Dans le livret, le dialogue avec le journaliste Bertrand Loutte, le photographe Jean-Marc Rouget et Guy Girard, qui le filme depuis plus de trente ans, revient sur la chronologie. Sa silhouette, courbée avec ou sans caisse, écorchée, tient de Cervantès et d'Egon Schiele. On le voit faire le drone avec le guitariste Arto Lindsay. Il taille sa haie en donnant des coups de cisaille n'importe comment. Le geste compte. Seul, il s'éclate, formel. En compagnonnage, il compose, dramatique. Où que ce soit, il conduit l'électricité. Par vent sur la plage, il ensevelit sa guitare sous des poignées de sable.
Sur le second DVD, les autres films s'échelonnent dans le temps. Foutoir nocturne à la réception d'un petit hôtel. Girard monte les images du Batofar en mer, rescapé d'Irlande, et les spectateurs lunettés de l'éclipse avec les hurlements des cordes de Pauvros et celles vocales de Haino. Escale à Bruxelles avec le trio Catalogue. Marteau Rouge avec Joe McPhee. Et pour terminer un adieu au Studio Campus où Pauvros s'était beaucoup investi. Ça bouge dans tous les sens et l'ensemble fait sens. Pour fêter la sortie du coffret au Souffle Continu, il a entonné quelques notes de l'Internationale au milieu d'un déferlement de notes tout en lisant Citroën, le poème de Jacques Prévert qu'il a griffonné sur un bout de papier jauni.
Jean-Jacques Birgé le 11/12/19
7 films de Guy Girard, Jean-François Pauvros, coffret 2 DVD La Huit, ESC distribution, 19,99€