Les premiers clichés anar d'Hara Kiri de Michel Lépinay au Point Ephémère
Au 4, rue Choron (75009) où est installé le petit bureau d’Hara Kiri, l’équipe est resserrée : autour de ses 2 fondateurs, Cavanna et Bernier, on y trouve Fred, Cabu, Topor, Reiser, Gébé, Wolinski. Raoul Foulon, photographe de plateau réputé, habitué des tournages de cinéma, fournit les Photos Parlantes, photos détournées sans aucune pitié. L’autre photographe c’est Michel Lépinay : à lui la lourde charge de mettre en images les romans-photos, le plus souvent scénarisés et story-boardés par Gébé et mis en décors et en page par Jean-Jacques Cartry.
Suivant l’exemple de son modèle américain Mad, Hara Kiri dynamite les codes désuets du genre, encore très présent dans la presse française sentimentale (Nous Deux, Intimité.) Dans la France épouvantable (Bernier dixit) des années 60 gauliennes, Hara Kiri pousse chaque mois le bouchon un peu plus loin avec son arme absolue : l’insolence, la provocation, la violence graphique. « Bête et méchant », slogan apparu dès le numéro 7 (avril 1961), le magazine l’est. Ne manque plus qu’un visage et un corps pour incarner ce concentré mensuel et explosif de subversion et de mauvais goût revendiqué.
Ce sera, devant l’objectif très professionnel de Michel Lépinay, Georges Bernier qui s’y collera avec délectation en devenant pour la postérité le Professeur Choron. C’est le début d’une longue série de romans photos, toujours photographiés par Lépinay : Hara Kiri Service (n°15, mars 1962), Pr. Choron Réponse à Tout (n°22, novembre 1962), Un jeu bête et méchant du Pr. Choron (n°35, janvier 1964), Ici Pr. Choron (n°33, novembre 1963), Le Pr. Choron vous parle (n°58, décembre 65), jusqu’au chef d’oeuvre La reine de France et la République Française, 5 épisodes de 6 pages chacun (à partir du n°56, octobre 65). Face à l’appareil 6x6 noir et blanc de Michel Lépinay, le Professeur Choron tire bien évidemment la couverture du cabotinage chic à lui, mais toute la rédaction de Hara Kiri se prête également au jeu des romans photos, ainsi que Lolotte (soeur du Prof. Choron) et Odile (femme du Prof. Choron), quelques figures du quartier (dont le catcheur professionnel installé rue des Martyrs, Eddie Koparanian qui restera longtemps fidèle au journal), quelques vedettes d’époque (Francis Blanche, Pierre Dac, Jean-Christophe Averty) et des filles plus ou moins (mais de plus en plus au fil des numéros) dénudées. Parmi elles, deux danseuses particulièrement délurées et gracieuses, Vélérie Camille et Christine Reynolds se distinguent dans La reine de France et la République Française.
Ce qui a toujours distingué Hara Kiri, au long de ses plus de 25 ans d’existence chaotique, ponctuées de procès et d’interdictions, ce sont ses couvertures. Michel Lépinay les signera toutes, du numéro 34 (décembre 1963) au numéro 50 (avril 1965) : 17 couvertures en bichromie (rouge sang) « bêtes et méchantes », exceptionnellement agressives et expressionnistes, donnant tout son sens à cette publication jugée « dangereuse pour la jeunesse ».
(NDLR) On vous précise que l’exposition se termine dimanche et que vous auriez tort de la rater. L’insolence d’Hara Kiri fut un des ferments de 68 : anar, méchant, insolent et salutaire. Qui oserait aujourd’hui ?
Marc Bruckert & Thomas Mailaend, le 23/10/19
Commissariat : Marc Bruckert et Thomas Mailaender
Graphisme : Studioburo
Scénographie : Atelier 1:1
Production : Formula Bula
Michel Lépinay, premier photographe d'Hara-Kiri au Point Ephémère ->27/10/19
Point Ephémère 200, quai de Valmy 75010 Paris