Patrick Cawley, de la disco à la techno, sans mollir !
Si on le connait plus pour ses productions de Sylvester et ses remixes tubesques ( “I Feel Love” de Donna Summer, c’était lui), chacun et l’autre sait au moins qu’il est un des précurseurs de la disco avec Giorgio Moroder, mais du côté San Francisco de la chose, sur la scène gay. Aujourd’hui sort “Mechanical Fantasy Box”, un album d’inédits. Top !
Après avoir publié trois volumes de B.O. de films de Patrick Cowley pour des films pornographiques homosexuels, parmi ses œuvres moins connues, le label Dark Entries a découvert d'autres enregistrements inédits du pionnier de feu la disco. Sorti conjointement avec un journal gay éponyme, Mechanical Fantasy Box est une collection d'œuvres plus expérimentales de Cowley, enregistrées entre 1973 et 1980. Bien que l'extatique "Right Here, Right Now" se rapproche assez du style qui a mis Cowley dans les têtes et fait danser les foules, plusieurs de ces titres sont des explorations spacy qui ont plus en commun avec les débuts de Cluster que la musique dance. Composés avant l'ère des boîtes à rythmes et des séquenceurs, les morceaux ne sonnent pas figés ni robotiques, tous les sons étant manipulés en temps réel et à la main.
Quand il y a des percussions, comme sur le mid-tempo funk jam "Breakdown", elles sont dures et impulsives. D'autres morceaux semblent en recherche de rythmes non conventionnels, en particulier la façon dont "Moving Bodies I" parvient à générer des rythmes doux et bruyants par la répétition rythmique de divers effets d'écho et de distorsion. "Grisha's Tune" sonne comme si Cowley s'essayait au Tropicalia, avec une abondance d'instruments de percussion exotiques jouant un rythme légèrement tordu et des mélodies délicieuses et jazzy surajoutées. "Lumberjacks in Heat" est un tour de force de 11 minutes rempli de tambours de marche et de mélodies de synthés qui deviennent de plus en plus effrayants et décontenancés. Plus tard, on trouvera même des morceaux plus délicats, comme les "Boléro", "Before Original Sin" ou le magnifique "Sea of China", d'inspiration aussi orientale qu’ambient.
Ces musiques - alors avant-gardistes- produites par Cowley, sont de la même eau passionnée et entraînante que ses succès disco précédents, mais montrent qu’avant son décès en novembre 1982, une des premières victimes du sida, Cawley anticipait de quelques années les scènes techno à venir. Tout aussi fascinant que les précédents albums de Dark Entries de Cowley, celui-ci représente la liberté enfin trouvée et un musicien au plus haut de sa création avec des sons qu’on entendait seulement chez Suzanne Ciani avec son Buchla et dont Carl Craig a fait le tour plus tard avec More Songs … et Landcruising. Indatable album. Donc d’aujourd’hui !
Jean-Pierre Simard le 22/10/19
Patrick Cawley - Mechanical Fantasy Box - Dark Entries Records