On ne pouvait vraiment apprécier les Chromatics sans avoir Angelo Badalamenti accroché au fond de l'oreille. Adonc, pour avoir participé au son et à l'image à la Saison 3 de Twin Peaks sur la Bo et sur scène, Johnny Jewel sort a posteriori cet album construit entièrement pour la série, mais non utilisé in extenso par Lynch… Série de flottements et de brouillard en chaîne. On adore. 

Si, comme vous moi, vous n'auriez pu passer les années 90 sans Twin Peaks, Angelo Badalamenti et Julee Cruise pour cause d'envoutement avec Falling - et quand bien même vous ne les découvririez que maintenant, via les divers projets de Johnny Jewel et l'attachant Saturday, ici présent…  Alors ce monde mélancolo-bucolique, étrange et barré, divers et sans limite autre que celle que vous pouvez imaginer vous parle d'un présent que vous côtoyez au quotidien, avec ou sans l'Autre Quotidien - même si je pense que vous en envisagez plus avec nous :-) 

Qu'il s'agisse des Chromatics, de Desire, Glass Candy, ou encore Symmetry, on retrouve les terrains défrichés autrefois par Badalamenti, mais poussés à bout par une autre production, même si la caresse velours d'origine en reste l'élément le plus prenant. Rien que des témoignages musicaux en provenance de monde perdus/ à se perdre dedans …  Mais c'était le but, à participer à Twin Peaks: The Return.

“Cela faisait un an que je travaillais à ce qui allait devenir Windswept ( son précédent album) quand j'ai entendu que David Lynch s'attelait à la Saison 3 de Twin Peaks. Cela faisait presque un an que les Chromatics avaient joué à la Roadhouse et, en repensant par fragments à la série télé, je me  suis dit que j'avais envie de passer derrière le rideau rouge ( symbole de l'autre monde du feuilleton)." 

Carrément inspiré par les climats cinglés et les ambiances majestueuses de la série, Jewel a commis six heures de musiques inspirées par … et les a éditées pour cet album Themes for Television. A l'exception de “Saturday (Evening)” featuring Desire, l'album de 21 titres est une avancée aventureuses dans des brumes de synthétiseurs et de de jazz lounge  — la bande son de quelque chose qui n'existe pas, mais qui se manifeste de telle manière qu'il laisse au fond des oreilles de singulières images en mouvement , avec une certaine pertinence rétinienne, de surcroît…

Jewel déclare que le projet est parti de la volonté d'exprimer la partie sonore de ses cauchemars :  “J'avais envie de sortir de cette nuée en me focalisant sur la beauté au lieu de rester dans la peur, à la manière, dont on aperçoit quelquefois, le soleil de manière morcelée dans un rêve…  Aucune raison d'en faire des tonnes. Ecoutez ça , la Saison 3 n'est pas terminée. 

Jean-Pierre Simard le 23/05/18

Johnny Jewel - Themes for Television - Italian Do It Better