L'AUTRE QUOTIDIEN

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Mark E. Smith (1957/2018) the Fall est tombé

 "Si c'est avec moi et votre grand-mère qui joue des bongos, alors c'est The Fall." Mark E. Smith, chanteur et tête pensante du  groupe post-punk britannique, The Fall, est mort chez lui mercredi 24 janvier, à l'âge de 60 ans. Responsable de plus d'une trentaine d'albums depuis 1976, le cancer du poumon lui a enlevé son dernier souffle hier. 

 

Formé en 1976 dans la banlieue de Manchester, The Fall a été un groupe phare de la scène post-punk, publiant plus de 30 albums, jusqu'en 2017. Mark E. Smith, personnage hors normes à l'insulte facile et réputé despotique, en était le seul membre permanent. Quelque 60 musiciens l'ont accompagné tout au long de sa carrière. Il avait par ailleurs sorti deux albums solo, The Post Nearly Man en 1998 and Pander! Panda! Panzer! en 2002.

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Smith apparaissait comme la gueule la plus cassée et cassante du punk. Une mouvance dont il aura toujours eu l'intelligence de reformuler les termes tapageurs pour l'envisager en geste plutôt qu'en genre, en principe de vie, expérimental en diable, plutôt qu'en folklore codifié, au lieu de se laisser statufier tandis que l'insurrection électrique et les poses provocantes de ses jeunes années entraient au musée.

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Ainsi, le son de The Fall, s'il fut moins mouvant en apparence que les allées et venues des musiciens qui le composaient, aura-t-il muté à de nombreuses reprises, parfois dans le temps d'un seul et même disque génial (tels Hex Enduction Tour, en 1982, ou Perverted by Language l'année suivante), depuis le chef d'œuvre inaugural Live at the Witch Trials, paru en 1979, et ce tandis que Mark E. Smith s'ingéniait presque chaque fois à casser le jouet rock'n'roll dans un rictus de plus en plus édenté. Sans guère dévier au micro de sa posture de barde ivre entre invectives et spoken word, sorcière goguenarde et sphynx à l'indéchiffrable poésie de fond de bouteille et la morgue de cendrier froid.   

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Cet oracle mauvais fut prodigue toute sa vie en sentences assassines et outrageusement incorrectes («Les gens changent toujours de trottoir quand ils me croisent, oui, ça marche encore. Je peux vider un pub par ma seule présence. C'est un talent», affirmait-il sur le tard, mi-lucide, mi-bravache) ce qui ne l'empêcha pas de s'attirer l'admiration d'une armée de fans prestigieux, qu'il ne conspuait pas moins - de Sonic Youth et Pavement à LCD Soundsystem et Damon Albarn, qui l'invita chez Gorillaz pour un titre, ou encore John Peel et le grand critique anglais Simon Reynolds, celui-ci qualifiant la discographie de The Fall d'«œuvre d’une ampleur et d’une densité digne de celle d’un Dylan».

Atrabilaire, mais génial, aussi inspiré par le Révolté de Camus que le Robert Smith de Cure, il  aura tracé sa route - nerveuse et solidaire/solitaire dans un milieu musical qui ne lui a jamais pardonné son génie, tout en en attendant les étincelles à chaque nouvel effort. 

Jean-Pierre Simard ( avec dossiers) le 25/01/18

P.S.  : une compilation sortie l'an passée, The Fall/ Singles 1978/2016 (Cherry Red) fait à peu  près le tour de la question et des variations  proposés par Smith- qui sont pour le moins nombreuses et toujours surprenantes…