L'AUTRE QUOTIDIEN

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Simon Hantaï après le surréalisme

Avant de découvrir le pliage, Hantaï a expérimenté le geste, les raclures, l’écriture… Quand, en 1960, il commence à plier la toile et peindre en aveugle, il continue d'explorer les moyens de provoquer le hasard dans le tracé des formes et la répartition des couleurs. À partir de cette date, ce sont d'ailleurs les différents modes de pliage qui déterminent les périodes de son travail.

Simon Hantaï, Le cercle des amis, 1946 Huile sur toile — 143 × 246 cm Courtesy Galerie Jean Fournier, Paris

« S’attacher aux années 1948-1955 de Simon Hantaï, autrement dit entre son départ de Hongrie et sa rupture avec André Breton, peut apparaître surprenant, tant d’aucuns ont considéré cette période comme un entre-deux sans réelle importance en tant que telle, au regard d’une rupture autrement plus fondatrice, celle du « pliage comme méthode », au début de l’année 1960, et l’interrogation sur le geste pictural qui la sous-tend. Il n’en est rien à plusieurs titres. La donation de l’artiste d’un côté au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris en 1998-1999, de l’autre au Musée national d’art moderne — Centre Georges-Pompidou en 2003-2004, qui venait compléter sa présence au sein de la donation Solange et Jacques du Closel en 1987 et 1994, au sein de la donation Cordier en 1989 et au sein de l’importante donation d’œuvres de Simon Hantaï et de Judit Reigl uniquement centrée sur cette période par Maurice Goreli en 1990 et 1993, sans oublier l’achat par l’État français de la peinture dite L’Arbre des lettrés (1950) en 1967, nous montre bien au contraire l’importance de ces années-là tant pour l’artiste lui-même que pour ses plus fidèles collectionneurs. »

Simon Hantaï, Espaces engourdis, 1950 Huile sur toile — 74,5 × 74 cm Courtesy Galerie Jean Fournier, Paris

Par l’exposition Simon Hantaï, Paris, 1948 — 1955, la galerie Jean Fournier a choisi de mettre en lumière une période relativement confidentielle de l’œuvre de Simon Hantaï. Ces œuvres de la fin des années 1940 et 1950 sont fondamentales à plus d’un titre et contiennent en elles tout ce qu’il adviendra, tant sur les techniques et moyens utilisés que sur l’état d’esprit qui anime Simon Hantaï alors, pressentant que « Tout est déjà là, mais ni vu, ni pensé », comme il l’écrira des années plus tard au moment de sa donation au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris.

Simon Hantaï, Sans titre, 1951 Huile sur toile — 79,5 × 93,5 cm Courtesy Galerie Jean Fournier, Paris

Arrivé à Paris en 1948 grâce à une bourse d’études de l’état hongrois, Simon Hantaï découvre à la fois le Louvre ou le Musée de l’Homme mais aussi l’art de son temps au Musée d’Art moderne récemment rouvert et surtout en fréquentant les galeries. C’est un moment d’une richesse artistique inégalée, intense et variée. Ainsi, chez Nina Dausset ou René Drouin, il découvre les œuvres de Jean-Paul Riopelle, Francis Picabia, Max Ernst, Georges Mathieu, Alberto Giacometti ou encore les œuvres récentes d’Henri Matisse au Musée d’Art moderne. C’est aussi le choc de la découverte de l’art américain avec notamment les premières expositions de Jackson Pollock chez Nina Dausset et au Studio Fachetti. Simon Hantaï expérimente et se cherche, stimulé par ses visites et ses lectures, imprégné de l’énergie de ce qui l’entoure. Sur une amplitude de moins de dix ans, il recourt au collage, au découpage, au grattage, à la décalcomanie, à l’empreinte, au frottage, aux coulures, au froissage et bien sûr au pliage.

Simon Hantaï, Femelle Miroir I, 1953 Huile sur toile — 165 × 174,5 cm Courtesy Galerie Jean Fournier, Paris

Dans le même temps, un autre parcours est en train de se dessiner, celui de Jean Fournier. Deux destins qui finiront par se croiser pour ne plus se quitter jusqu’à leur mort au début des années 2000. En 1954, Jean Fournier est alors directeur de la librairie-galerie Kléber. Il y organise cette année-là une première exposition dédiée à Josef Sima puis, en 1955 l’exposition Alice in Wonderland, conçue par Charles Estienne, inclut une œuvre de Simon Hantaï, Femelle miroir. Leur rencontre fut mutuellement décisive. L’œuvre de Simon Hantaï agit comme un révélateur pour le jeune Jean Fournier et sera la clef de voûte de l’identité de sa future galerie.

Ainsi, l’exposition Simon Hantaï, Paris, 1948-1955 donne à voir les œuvres qui ont convaincu Jean Fournier de défendre l’œuvre de Simon Hantaï, qui l’ont fait aimé l’œuvre avec passion et détermination car il a su y percevoir les prémices de l’un des plus grands artistes de la seconde moitié du vingtième siècle.

Le commissariat de l’exposition a été confié à Marc Donnadieu, conservateur au musée d’art moderne de Villeneuve d’Ascq (Lam) jusqu’en 2017 et actuellement conservateur en chef au musée de l’Elysée à Lausanne.

Simon Hantaï, Collage, 1953 Technique mixte sur papier marouflé sur toile — 94,5 × 59,5 cm Courtesy Galerie Jean Fournier, Paris

Extrait du texte de Marc Donnadieu Notes face à l’œuvre de Simon Hantaï, catalogue de l’exposition Simon Hantaï, Paris 1948 — 1955, Editions Galerie Jean Fournier, Paris, page 5.

Hamed Nietzsche le 2/01/18
Simon Hantaï, Paris, 194 /1955 -> 20/01/18
Galerie Jean Fournier, 22, rue du Bac  75007 Paris

Simon Hantaï par Brassaï, Paris 1955