L'AUTRE QUOTIDIEN

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Pierre & Gilles chez Templon, retour sur le(ur) Temps imaginaire

Depuis 1976 et leurs premières images, Pierre & Gilles développent un monde à la fois proche et lointain. Ce décalage leur a valu un succès international, de pochettes de disques en images quasi pieuses, même si toujours kitsch dans l'approche, et des expositions dans le monde entier.

Pierre & Gilles, La Mort de Bernard Buffet (Alexandre Guillaume), 2017Huile sur photographie tirée sur toile et encadrée — 134,5 × 93,5 cm, unique© Pierre et Gilles. Courtesy Galerie Templon, Paris et Bruxelles.

L’univers de Pierre et Gilles, enchanteur, mais toujours hanté par l’actualité proche, joue avec un certain “esprit français” où la diversité, l’ouverture aux autres, mais aussi la notion de résistance prennent une dimension à la fois grave et légère. Accueilli par une “Sentinelle” qui rappelle l’opération du même nom, le spectateur découvrira plus loin l’émouvante prière du soir d’un jeune musulman, un trio amoureux sur fond de Tour Eiffel évoquant l’esprit libre du Paris. Clin d’œil aux congés payés de 1936, un autoportrait de couple plein d’humour, avec les artistes en fans du PSG, participe à une vision dédramatisée du débat sur le port du voile. Dans une alcôve de la galerie, Pierre et Gilles rendent hommage au peintre Bernard Buffet, qui choisit de se suicider dignement plutôt que de renoncer à la peinture.

Pierre & Gilles, Douce France (Nicolas Dax), 2017Acrylique sur photographie imprimée par jet d’encre sur toile et encadrée — 140 × 98,6 cm, unique© Pierre et Gilles. Courtesy Galerie Templon, Paris et Bruxelles

A l’écoute de toutes les manifestations du monde, le travail de Pierre et Gilles parle de la différence. « Rien, chez Pierre & Gilles n’est jamais univoque. Il n’y a pas une vérité mais d’innombrables possibles » rappelle Sophie Duplaix, conservatrice en chef des collections du Centre Pompidou, qui considère les artistes comme les « gardiens éclairés de valeurs universelles que ne viennent entraver ni les considérations morales ni les discriminations politiques »..

« Immédiatement reconnaissables, mais constamment insaisissables » (Michel Poivert) les œuvres de Pierre et Gilles, à la frontière entre histoire de l’art et imagerie vernaculaire, photographie et peinture, se jouent des catégories traditionnelles. En atelier, les artistes composent un décor illusionniste animé par un travail complexe de lumière et de cadrage. A cette première étape succède un travail précis de peinture directement sur la photographie tirée sur toile, dont le cadre original est conçu comme un prolongement. Si la plupart de leurs modèles sont des anonymes, on retrouve ici et là des visages familiers comme ceux de Béatrice Dalle, Dita von Teese, Sylvie Vartan ou Etienne Daho mais la culture de la célébrité n’est pas ce qui intéresse les artistes. Metteurs en scène, ils sélectionnent leurs acteurs pour construire des histoires. Ils s’amusent à brouiller les pistes en mettant en scène un faux Gérard Depardieu ou Michael Jackson.

Raoul Nietzsche le 22/01/18

Pierre et Gilles Le temps imaginaire → 10 mars 2018
Galerie Daniel Templon  30, rue Beaubourg  75003 Paris