Shabaka Hutchings fait couler la lave de Pharoah Sanders à Jazz Villette
Le terme toujours très en vogue de spiritual jazz est le marqueur sonore de 2017 (cf. The Creator has a Master Plan). On pense d'ailleurs que les programmateurs du festival ont fait exprès de demander à Shabaka Hutchings d'y mettre son grain de sel avec son projet hommage à un Pharoah Sanders… qu'on a pu voir la semaine passée au même endroit, ne jouant plus la même musique. Avec le Vels trio en première partie.
Comme les autres projets de Shabaka Hutchings qui titillent le jazz du jour avec une électro de bon aloi et des poussés de fièvre digne de ce nom, le Vels trio atteint un double public, celui des amateurs de jazz, et celui - plus étonnant pour les novices- du monde électro, puisqu'ils ont dernièrement joué pour le Mellotron, en live dans les locaux de la radio, ou dans la Boiler Room, actuelle consécration du monde électronique.
Les musiciens du Vels Trio se sont rencontrés en 2014 à Brighton autour de leur amour pour le jazz , le hip-hop et les musiques électroniques. Ils ont depuis partagé les scènes de ce nouveau jazz anglais underground qui est enfin mis en lumière chez eux et à l’étranger à travers les succès de Yussef Kamaal, Moses Boyd ou Sons of Khemet.
Adoubés par Shabaka Hutchings qui participe à un morceau de leur premier EP Yellow Ochre et produits par son complice Danalogue de The Comet Is Coming, ils jouent ce soir à Jazz à la Villette, pour la première fois hors d’Angleterre, leur musique lyrique et funky qui évoque autant Lonnie Liston Smith que les expérimentations de BadBadNotGood.
Vels Trio : Jack Stephenson-Oliver (claviers) Cameron Dawson (basse) et Dougal Taylor (batterie)
En quelques années, Shabaka Hutchings a été intronisé chef de file de la scène jazz britannique. Une sorte d’anti-leader impliqué dans divers projets et formations (Sons Of Kemet, The Comet Is Coming, Melt Yourself Down, Shabaka & The Ancestors), qui ne tranche pas entre quartet classique, fanfare de rue, groupes expérimentaux ou orchestre chambriste. Élevé au jazz mais aussi au rap, au calypso, au reggae, à l’électro et à 8768 autres sons, le saxophoniste londonien ayant grandi à la Barbade rend ici hommage à l’une de ses grandes influences : Pharoah Sanders. Épaulé par des membres de United Vibrations, Sons Of Kemet et The Comet Is Coming, Hutchings soufflera la tempête sur l’héritage et la musique de celui qui fut le dernier saxophoniste de John Coltrane. Ce Pharoah dont les riffs hirsutes ont toujours été empreints de spiritualité et d’ouverture vers l’Afrique comme l’Asie. Le spiritual jazz ? J'ajouterais que pour moi le vocable va plus loin, car j'y intègre aussi Don Cherry, les premiers Gato Barbieri, certains Shepp et le Liberation Music Orchestra de Charlie Haden, parce que la spiritualité sans politique, ça pue !
Déjà vu dans de multiples configurations, dont une en invité avec un groupe sud africain, ces derniers mois à la Dynamo de Banlieue Bleue, Shabaka nous réserve toujours de belles surprises… Nous servira-t-il le free délirant du Trane dernière période ou les voyages intergalactiques apaisés du Pharoah de la période Impulse. C'est à voir - et ne pas rater!
Jean-Pierre Simard le 6/09/17
Shabaka Hutchings Tribute to Pharoah Sanders : Shabaka Hutchings (saxophone), Wayne Francis (saxophone), Ahmad Dayes (trombone), Dan Leavers (synthétiseur), Tom Herbert (contrebasse, Tom Skinner (batterie), Max Hallett (batterie)
au Cabaret Sauvage à 20 h, le 6/09/17, parc de la Villette75019 Paris