Dakar Nuit, sur des photographies d’Ulrich Lebeuf | Charlotte Sometimes
Parution aux éditions Charlotte Sometimes du livre Dakar Nuit – texte sur des photographies d’Ulrich Lebeuf.
édition courante, limitée à 300 exemplaires
édition de tête signée et numérotée, limitée à 100 exemplaires
— Présentation du livre sur le site de l’éditeur
— Une chronique sur le livre, par Fabien Ribéry sur son site
Dakar Nuit, c’est le regard d’un photographe sur une ville, des corps et dans la nuit, la saisie de ce qui rend visible à travers cette ville et ces corps, notre temps. La nuit est une image : une manière de ne pas s’en tenir à sa surface brute, mais désirer lire en elle les récits qu’elle porte.
Du travail d’Ulrich Lebeuf (de l’agence MYOP), je connaissais son souci de documenter, mais comme de biais, notre temps : le photo-journalisme y croise chez lui le souci constant de produire sur l’image un récit qui l’interroge ou l’anime, ou le déplace incessamment. Il a suivi des campagnes politiques, des sportifs, des acteurs : les photographies qu’il prend, il les prend aussi à la pure saisie d’une image pour les emporter ailleurs. Les images sont souvent, dans les journaux, l’insupportable validation de ce monde d’images, de pure représentation du réel sur papier glacé. C’est ici que travaille Ulrich Lebeuf : dans cette déchirure entre ce que ce monde donne à voir et ce que l’image raconte en lui, qui le dévisage, le brutalise ou l’invente.
Pourquoi les photographes nous sont si précieux ? Pour mieux voir le monde, ou pour le penser visible, et renouvelé ?
L’an dernier, je découvre un livre singulier d’Ulrich Lebeuf : Tropique du Cancer, publié aux belles éditions Charlotte Sometimes – un terrible journal du deuil amoureux, la mélancolie d’habiter dans l’avenir d’un passé emporté, le corps d’un désir perdu : la force de regarder au fond des choses ce qui manque, ce qui ravage, ce qui laisse vivant. Ce qui pourrait sembler un pas de côté de son travail de photo-journalisme me paraît alors, plutôt, ce qui le prolonge : la brutalité nette du réel frotte contre l’intimité d’un fantasme, d’un désir de récit qui l’exhausse.
Alors quand Ulrich Lebeuf et son éditrice me proposent d’écrire sur les photographies qu’il a prises à Dakar, il y a quelques années, évidemment je réponds à l’appel. C’est une tension : documenter le présent avec les armes de l’intimité, refuser la fausse opposition de l’objectif et du subjectif, du journalisme et de la photo d’art, du réel et de la fiction – mais aller justement dans ces territoires qui jouent ensemble la matière vive du monde et le lyrisme de sa saisie.
J’aurais beaucoup rêvé sur ces images, et plongé dans la nuit pour tâcher de l’écrire, elle aussi.
Pourquoi les photographes me sont essentiels ? Pour la nuit qu’ils lèvent, et qu’ils donnent à voir non comme jour révélé, mais comme nuit même où l’on est, qu’on passe, qu’on traverse.
Merci à Ulrich, et aux éditions Charlotte Sometimes.
Arnaud Maïsetti le 19 mai 2017