Annie Anxiety 4 ever
Artiste inclassable aux multiples occurrences, Little Annie-aka Annie Anxiety-aka Annie Bandez O'Connor, est une survivante qui fait dans le concret depuis ses 16 ans et son apparition au Max's Kansas City avec son groupe les Asexuals qui avait même réussi à plaire à Frank Zappa. Coup d'œil dans le rétro.
On a beaucoup glosé sur Lydia Lunch qui a commencé à faire des vagues à la même époque, mais il fait maintenant revenir à Annie car côté persona, elle en a endossé quelques unes : délinquante juvénile, aventurière, parolière et chanteuse, peintre autodidacte, artiste multi-média, figure du cabaret post-moderne et enfin responsable d'un nombre assez sérieux d'enregistrements au-delà des catégories, des limitations connues et quelque fois même, en dehors des lois… Elle a ainsi enregistré avec Wolfgang Press, Crass, le groupe maison d' ON-U Sounds, Paul Oakenfold, Kid Congo Powers, Current 93, Nurse with Wound, Bim Sherman, Coil, Fini Tribe, Collapsed Lung ou Christophe Heeman. Et ceci, en allant du reggae au hip hop, sans pour autant négliger le cabaret ou la scène d'avant garde. En dehors de ses activité de chanteuse, elle a écrit trois livres, fait l'actrice dans de nombreux films et pièces de théâtre et comme Dylan, ne cesse de tourner accompagnée de son pianiste et co-compositeur Paul Wallfisch of Botanica.
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Frank Zappa disait d'elle en 1980 au magazine Songwriter : "Quand je passe au Max's Kansas City à New York, et que je voie Annie et ses Asexuals, c'est vraiment un truc fort. Je ne sais pas si le groupe trouvera un jour un contrat discographique, mais je ne pense pas que cela les préoccupe vraiment. J'ai regardé leur set d'une heure - et aussi dur que cela soit à supporter - et ça a beau être un total foutoir où l'on voit des musiciens qui, visiblement ont acheté leurs instruments la semaine dernière ferrailler devant une chanteuse vêtue de sous-vêtements d'hiver sous un manteau en cuir noir avec une bouteille de vodka dans un sac en papier dans sa poche; ça sonne. La chanteuse hurle de manière convaincante à propos de Thorazine et d'être enfermée dans un hôpital psychiatrique… Il y a une telle proximité juste là ; ce n'est pas un truc qu'on voit à LA - personne ne sort ses tripes de cette manière là-bas… "
A 16 ans, Annie quitte Yonkers pour aller à New York. On la retrouve vite fait sur la scène du Max's avec ses Asexuals et ou les Epileptics voir même avec Alan Vega, sans jamais enregistrer un seul titre. Pour cause, elle est l'anti-modèle pop des Runaways , anti-capitaliste , anti glamour, pro- révolution : une Riot Grrrl avant l'heure. Partie à Londres, au début des années 80 elle y croise Steve Ignorant de Crasset va habiter dans leur communauté Dial House dans l'Essex avec Penny Rimbaud et Eve Libertine, avec lesquels elle va ensuite collaborer fréquemment. Se renommant Annie Anxiety, elle va lâcher le punk des débuts pour faire beaucoup plus expérimental comme le single Hello Horror (ci dessus) qui va la placer dans la mouvance de Throbbing Gristle. C'est du lourd, même en mode musique concrète. Et c'est sur ce terrain qu'elle va agir quelques temps, à partir de la scène du spoken word de l'époque (dont on a oublié aussi bien John Cooper Clarke qu'Attila the Stockbrocker) pour enregistrer son premier album chez On-U-Sounds avec Adrian Sherwood et les musiciens de session du lieu.
C'est là qu'on parle de ce premier album ressorti dernièrement : Soul Possession de 1984 qui mêle poésie post-punk aux expérimentations dub et même au-delà. En huit titres, elle raconte autant d'histoires qui, parfaitement mises en son et en voix, montrent l'étendue de ses possibilités. Un album qu'elle aura conceptualisée et envisagé en studio, quitte à mettre en l'air les propositions de Sherwood pour avoir un son bâclé, mais qui sonne selon ses désirs - elle avait quand même avec elle en studio la crème des zikos du moment à ses ordres… Mais ce n'était pas son propos. Il fallait réévaluer la poésie du moment en la traduisant comme nulle autre - une réponse avant-gardiste à Patti Smith, autre égérie punk et poète.
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Et Soul Possession s'avère une capsule temporelle ressurgie d'un temps où tout était possible en musique, vue la vitesse des changements en cours sur la scène, de la pop synthétique de Depeche Mode à l'indus de Throbbing Gristle, en passant par le blues néanderthalien des Bad Seeds … Mais Annie ne jouait selon aucune règle préétablie et doc l'objet est devenu culte. L'album est aussi foutraque qu'il est hypnotique, balançant ses climats psychiatriques pour mieux habiter la poésie de la dame, en déconstruisant le dub pour affirmer un son bien pourri qu'on aurait pu enregistrer avant-hier même… Le parfait album de l'ère post-industrielle qui regarde les glaciers fondre et le désert émotionnel avancer partout. Laurie Anderson et Ann Clark y gagneront le respect sur des voies parallèles, peu après. Elle avait déjà changé de voie…
Jean-Pierre Simard
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Annie Anxiety - Soul Possession - Dais Records