Le spiritual jazz à la mode Soul Jazz de Lloyd McNeill
Quand on tient un bon filon pour remettre en circulation des albums disparus, rien de mieux que de créer un mouvement pour ce faire. Alors, depuis deux ans, on assiste à l'arrivée du dit spiritual jazz et particulièrement sur l'excellent label anglais Soul Jazz. On va donc parler de Lloyd McNeill éminent et émérite flûtiste n'ayant pas atteint la notoriété requise, car s'auto-éditant à la fin des 60's. Mais cet Asha mérite vos deux oreilles. Explications suivent.
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Ce fameux "spiritual jazz", on peut le définir en suivant les traces de Pharoah Sanders, Alice Coltrane ( dont une superbe compilation vient de sortir), tout comme James Moody ou Billy Harper et même Yusef Lateef - tous musiciens allant aux limites du free, mais en cherchant l'apport de musiques d'ailleurs, du modal indien à la bossa brésilienne.
Le flûtiste, peintre, enseignant et poète Lloyd Mc Neill est de ceux-là. Ayant fait ses armes avec Eric Dolphy en sortant d'études, il passa ensuite par les Beaux-Arts de Paris, puis retourna aux Etats-Unis afin d'enseigner, notamment au New Thing Art and Architecture Centre de Washington. Entre 1969 et 1973, il sortit trois albums de jazz habité, au milieu desquels surnage incontestablement Washington Suite et Asha (on va y revenir plus loin).
Faux disque de chambre baroque invitant des hautbois et de la flute traversière à la fête, Washington Suite était à l'origine une commande du Capital Ballet Company de la ville. Son caractère hypnotique est dû en grande partie à ses volutes flûtistes et au piano électrique d'Eugene Rush, qui nous laissent nous balader à loisir dans le disque comme dans un jardin cosmique et accueillant.
Asha, premier album auto-édité sur le label éponyme en 1969 marque les premiers pas solo de Lloyd Mc Neill avec un tirage de 500 ex … il avait été réédité sur Universal Sound en 2011 et revient remastérisé sur le label de la maison mère. La musique mixe aussi bien latin jazz que rythmes africains et latin que le flûtiste avait appris lors de ses voyages à l'étranger au début des 60's où il avait collaboré avec Dom Salvador, Paulinho da Viola, Paulo Maura et Martinho da Vila. Genre de jalon oublié qui retrouve enfin ici un semblant de notoriété, tant attendue…
D'un côté ça sent le patchouli et les tissus indiens, d'un autre, c'est contemporain de Vautour du premier roman de Gil Scott Heron qui disait en substance ceci :
John Lee est mort un jour de juillet, à New York. On a retrouvé son corps dans la 17è Rue, entre la 9è et la 10è Avenue. Il avait dix-huit ans. C'était un petit dealer, toujours à l'affût d'un coup, qui "travaillait" après l'école. Alors, qui a tué John Lee ? Quatre hommes possèdent un fragment de la vérité : Spade, Junio Jones, frère Tommy Hall et Q.I. Quatre destins qui incarnent la violence, la ruse, mais aussi l'espoir d'une rédemption, dans un quartier voué à la misère et à la drogue. Ce "polar" est aussi un roman politique sur l'Amérique urbaine de la fin des années 60, qui allait bientôt basculer dans la violence raciale.
Avec le background, c'est soudain moins doux à l'oreille. N'est-il pas? Super album.
Jean-Pierre Simard le 14/03/17
The Lloyd McNeill Quartet – Asha - Soul Jazz (1969, Remastered 2017)