L'Abkhazie, une carte sans territoire par Aurélien Villette
Autrefois Côte d'Azur de l'élite soviétique sur la Mer Noire, l'Abkhazie d'aujourd'hui est à la fois une partie de la Géorgie pour ses habitants, l'ONU et la majorité des pays souverains, et une république indépendante pour les Russes et quelques autres qui adorent les embrouilles, comme en Ukraine. Ce conflit gelé a donné une silhouette fantomatique à la région, prise entre un passé splendide et un aujourd'hui plus qu'incertain, voire monumentalement blafard.
La première série, “Topophilie—Abkhazie,” présente les ruines des constructions érigées avant 1955. J'ai été particulièrement attiré par l'esthétique et la signification des monuments de l'ère stalinienne. Cette architecture abandonnée qui tire vers l'imaginaire ou le déréalisé, comme sorti d'un livre d'histoire qui en conterait le délabrement. L'atmosphère particulière et détachée qui entoure ces structures renforce l'impression d'être nulle part qui imprègne tout ce territoire en attente de reconnaissance internationale, au-delà de la Russie. Ces images existent dans un espace situé entre rêve et réalité; et le voyage que je vous offre est tout empreint de romantisme, grandement à l'œuvre dans mon travail. A la manière des déambulations de Théophile Gauthier, ces images nous entrainent dans un corridor vers un territoire quasi imaginaire. Avec le passage du temps, nous voilà immergés dans des vues de la Mer Noire qui témoignent de la mémoire de l'URSS - comme trace de son ancienne, glorieuses et maintenant disparue riviera.
Mon projet photographique me porte à voyager dans de nombreux pays sur différents continents pour ma compréhension de l’architecture et de l’influence géopolitique et culturelle qui sont portées sur elle. Dans mes publications, je lie ces idées à «l’esprit du lieu» - concept et questionnements propres à l’architecture et l’urbanisme. (Aurélien Villette)
La seconde série, “Voyage Hétéroclite—Abkhazie,” fait partie d'une autre série commencée il y a quatre ans qui met côte à côte des images de nombreux pays; toutes prises en Abkhazie. Pour la réaliser, je me suis immergé dans une succession de constructions n'ayant strictement aucune signification ni utilité. Ce, dans le but de profiter de ces atmosphères hétérogènes et chaotiques pour donner un trame à ce monde, ces histoires et à l'Histoire. Dans cette série, l'observateur passe rapidement d'un arrêt de bus abandonné à un immeuble neuf marquant l'indépendance, pour arriver ensuite à un bâtiment soviétique, puis à une maison géorgienne abandonnée.
Le passage rapide d'une partie de l'histoire de la région à une autre illustre le nombre de secousses et de chambardements subis par l'Abkhazie depuis un siècle. Ces bâtiments parlent et racontent une histoire basée sur les approximations, la propagande et les souvenirs; comme des histoires colportées d'une personne à une autre. Et toutes sont les dernières traces d'une humanité qui cartographie le passé d'une zone géographique.
Aurélien Villette
Adaptation Jean-Pierre Simard le 26/03/17
La grandeur soviétique perdue et les troubles identitaires régionaux en Abkhazie
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