La claque Drunk de Thundercat
On vous bassine souvent avec les productions du label Brainfeeder. Vous savez, les gens autour de Flying Lotus, Kamasi Washington, ou justement Thundercat, le bassiste virtuose, producteur et chanteur qui a orchestré le How to Pimp a Butterfly de Kendrick Lamar. Et justement, aujourd'hui- et dans un concert de louanges unanime - voici Drunk de Thundercat.
Dire qu'il était attendu est un euphémisme, il est du genre à éclipser le reste des sorties pour quelques temps… à pousser le bouchon un peu loin, encore, qu'il ne l'avait fait avec Kendrick Lamar, présent bien sûr sur icelui… Mais au même titre que Kenny Loggins ou Michael McDonald (vous avez bien lu, les deux stars 70's), Pharrell ou Whiz Khalifa, et côté zik, Kamasi arrive en renfort.
Et maintenant, en entrant dans le dur, on va zapper les querelles de clocher en disant qu'empruntant autant à la pop, au jazz, à la soul qu'au funk et au hip hop, voir l'électro, il couvre tous ces territoires, comme How to Pimp a Butterfly poussait le hip hop dans un futur rénové. Même architecture, même métaux employés, mais ici, pour la gloire du fils du batteur des Temptations et de Diana Ross, le fameux Stephen Brunner, zikos de session et accompagnateur d'Erikah Badu - et Suicidal Tendancies - , déjà bien awardé.
Mais au-delà des genres évoquées plus haut, on note un petit penchant ( j'aime les remarques obliques) pour un son léché à la Steely Dan qui jouerait au bord des explosions de Parliament, sans jamais revenir en arrière et se contenter de balancer la purée. On fait dans le délicat, pas l'ampoulé, plus le space à ressort de fin de nuit, avec la dernière partie de l'album qui navigue dans des climats assez aqueux et glougloutants de synthés où passe un Pharrell spectral, tout en retenu et méconnaissable sur The Turn Down.
Reposant majoritairement sur des rythmiques complexes et groovy, cet album vous immerge dans ses claviers addictifs. Est-ce pour mieux vous faire sentir le voyage auquel vous participez bon gré mal gré ? Ou bien, il vous balance dans plusieurs dimensions de sensations et de lieux évoqués ça et là, d'un voyage en bus à une vision de Tokyo ou encore le fait d'être bourré, mais encore "aware". The Night is still sober - but we want to party , comme ils disent avec Whiz Khalifa sur Drink Dat.
Au finish, la traversée de la nuit se passera bien. Puisque la première chose à faire, à la fin, sera d'appuyer sur replay ! Je ne sais qu'ils ont mis dedans ( il y a sûrement de la pomme … ) mais c'est du brutal qui vous choppe en douceur - le plus traître - et vous envoie carrément ailleurs. On en ressort épaté par la voix (un peu filtrée), la durée du voyage qui ne se donne jamais pour définitive et un son caressant qui vient vous envahir et ne plus vous lâcher. Ce n'est pas truc à écouter en mode random, mais un vrai turc en continu. Dont nul ne ressortira intact … un genre de grand album, sans en avoir l'air, un truc de ouf qu'on ne voit pas arriver et qui s'impose dans sa suprême coolitude. Full stop !
Jean-Pierre Simard
Thundercat - Drunk - Brainfeeder