Reims et après, avec Maud Octallinn
On pourrait parier qu'avec une enfance chrétienne dans l'Aube, Maud Cantillon, dite Octallinn, ne va pas s'empresser de voter Fillon, ni Lesquen ( je sais c'est mesquin!). Mais à jeter sa bure aux orties, elle nous offre une carte du tendre Rémoise qui fleure bon le chemin buissonnier. Le seul qui vaille… En route pour En Terrain Tendre, qui a failli s'intituler Enterre un Tendre. Je vous parlais de carte …
A 29 printemps, sur la pochette de son premier album, elle a enfilé un blouson grunge en daim côtelé sur jean bien délavé et arbore fièrement une pioche, pour aller à la pêche aux sentiments. S'entend. De la pochette on aperçoit, en dessin IGN majeur, cette Champagne qu'elle fait salement pétiller ( avec honneur et grain de fierté) là où elle construit des cabanes, un peu à l'image qui traînait dernièrement dans l'inconscient féministe du Yes We Can, en version butch. Double décalage. Mais ça n es'arrête pas là. Son paysage Champenois, déjà un peu dévoilé dans une Mostlatape l'an passé est assez bariolé pour ne pas nécessiter d'exhausteur de goût (comme elle en parle dans La soupe de ma maman).
Un peu petit côté Fontaine version Brigitte ( toute seule au fond des cafés) et Camille pour les envolées en chute libre- et puis aussi l'aveu dans Libé d'une passion pour la poétesse canadienne Marie-André Gill : «J’ai une vraie affinité avec la culture canadienne, dans laquelle il n’y a pas de séparation entre les niveaux de langue, entre les mots crus et les mots doux.» Le petit bijou qu'est Prends-moi décline subtil une sexualité assez libre et volontaire qui rassure par son lâcher-prise affirmé à l'envi.
On revient un instant sur le son de l'album, qui se la joue un tant soit peu- et tout à tour - médiéval, piano bastringue, folk à six cordes, mais souvent enjolivé aux cuivres brillants pour discourir gaiement autant de mettre le zbeul dans sa vie à grand coup de bulldozer- c'est le premier titre : Super fière sur mon bulldozer, pour mettre un terme à une éducation catho de province; lourde lente sur Rescucito, ses histoires d'amour et d'adolescente en terrain balisé d'avant la libération de l'âge adulte : Prince Flat, J'aurais voulu aller au zoo, Fuyons les Pierrots et les powêtes ; et puis, il y a au final, une bellissime rêverie érotique : Les Truites ressuscitées. qui frétille de désir sans genre, mais avec des cuivres et des cymbales qui crashent partout…
Bienvenue dans la musique en biais de Maud Octallinn. J'y entends, - en plus des pré-citées - un peu l'équivalent féminin d'un Albert Marcœur - et c'est très bien. Bienvenue Maud, tout cela mérite qu'on s'y attarde pour ce joyeux bastringue qui sonne bien isolé dans le paysage musical hexagonal. Le 16 mars à la Maroquinerie en première partie de La Féline, pour en savoir plus.
Jean-Pierre Simard, publié le 27 février 2017
Maud Octallinn En terrain tendre . Téléchargement libre sur souterraine.biz.