L'AUTRE QUOTIDIEN

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William Forsythe et Ryoji Ikeda bousculent les perceptions à la Grande Halle

Le premier est un chorégraphe iconoclaste, quand le second s'avère un musicien multidisciplinaire, Forsythe et Ikeda présentent simultanément à la Grande Halle de la Villette leur travail plastique, avec deux installations envoûtantes et monumentales qui engagent le visiteur jusque dans son corps et les perceptions qu'il peut en avoir.

Forsythe- Nowhere and Everywhere at the Same Time Nº2

Le premier est un chorégraphe qui, non content d’avoir révolutionné le ballet « classique », a toujours professé de la chorégraphie – laquelle, dit-il, ne saurait être confondue avec la danse. Le second, l’une des figures-phares de la scène des musiques électroniques, envisage la musique simultanément dans ses dimensions plastique et spatiale. Entre William Forsythe, l’Américain jadis établi à Francfort, dont l’œuvre dit assez la passion de la musique, et Ryoji Ikeda, le Japonais installé à Paris, qui fit ses débuts artistiques au sein du précurseur collectif Dumb Type, la rencontre semblait tomber sous le sens. Après avoir collaboré en 2006 autour de l’installation Antipodes I/II de Forsythe, et présenté conjointement leurs installations à plusieurs reprises, ils confrontent une fois encore leur travail plastique. 

Ikeda - test pattern,

Nowhere and Everywhere at the Same Time Nº2, basée sur une installation initialement créée dans un bâtiment abandonné de New York et dont la forme s’adapte à chaque nouvel environnement, s’inscrit dans la série des Objets chorégraphiques de William Forsythe : des centaines de pendules disposés dans l’espace obligent le visiteur à repenser le rapport de son corps à celui-ci, et l’invitent à activer l’œuvre pour en devenir le chorégraphe.
Quant à Ryoji Ikeda, il présente une nouvelle déclinaison, monumentale, de son projet test pattern, à travers laquelle il traduit et matérialise le flux de données (sons, textes, photos, films) dans lequel nous sommes quotidiennement immergés. Une succession hypnotique de motifs noirs et blancs, codes-barres générés par la conversion en temps réel d’ondes sonores, défile à un rythme vertigineux, en synchronie avec la musique, invite le visiteur autant à s’aventurer aux confins de sa perception qu’à méditer sur les limites de sa condition.

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C'est la première exposition vraiment digne d'intérêt (depuis des années) qui s'est posée à la Grande Halle de la Villette que cette doublette Nowhere and Everywhere at the Same Time Nº2 et test pattern de Forsythe et Ikeda. Pour une fois, dans le cadre du Festival  d'Automne, on vous offre un peu d'interaction avec l'œuvre et l'artiste qui a spécifiquement conçu le projet pour une immersion sensorielle qui bouscule. En chorégraphe, Forsythe a installé quelques centaines de pendules  accrochés à  des cadres mouvants suspendus au plafond de la  salle qui les incitent à des mouvements continus et changeant. A cela, il a ajouté la possibilité pour le spectateur (regardant en novlangue Macron de merde) de s'y faufiler, en lui offrant une chorégraphie aléatoire et subtile qui le verra, après avoir enlevés ses chaussures, évoluer au milieu des autres et des pendules pour mieux les éviter, bouger en rythme et se transformer en danseur d'un instant. La banane aux lèvres. Objet du mouvement, sujet du mouvement. C'est aussi  fun qu'addictif. On en redemande … 

Ikeda est encore plus immersif avec son installation qui vous saisit, dès l'entrée de la salle, avec ses bruits et ses ondes lumineuses au sein desquelles vous êtes conviés à  vous rendre, sur un parterre de la taille d'une piscine olympique. Entourée d'enceintes et des projecteurs lumineux, ce parterre est une immense dalle où des raies de lumière circulent en conjonction avec la techno diffusée par les enceintes. L'effet profondément troublant, vous déréalise d'abord, avant de  vous donner l'envie subite d'en parcourir les ondes et les abstractions qu'elle compose et décompose à une vitesse rapide. Bientôt, on se pose au sol pour en sentir les vibrations intenses et les circulations  prodigieuses. Les lumières, sur la dalle,  filent à des vitesses variées, faisant circuler du noir et blanc en mouvement qui, à certains moments passe au violet , par la simple effet d'accélération. Carrément bluffant - mais déconseillé aux épileptiques. 

On ressort de là, un  peu plus zen, un peu tourneboulé d'avoir été partie prenante d'un processus immersif si intense. Et aussitôt, on en parle à tout le monde autour de soi, pour qu'ils découvrent à leur tour ce petit décalage prodigieux offert par une installation digne de ce nom. 

Jean-Pierre Simard le 5/12/17

William  Forsythe + Ryoji Ikeda -> 31/12/17
La Villette / Grande Halle, du mardi au dimanche, de 14h à 20h