Ressortie capitale, l'enchanteur Musst Musst de Nusrat Fateh Ali Khan

Il est des disques qui symbolisent tout particulièrement une époque, et le Musst Musst de Nusrat Fateh Ali Khan en fait partie. C'est l'avènement de la sono mondiale envisagée par Bizot à Nova qui avait poussé l'Afrique métissée à se produire en Europe. A tel point que la célébration du  bicentenaire à New York en 1989 affichait un plateau inenvisageable quelques années plus tôt mêlant aussi bien les Gipsy Kings que les Touré Kunda et d'autres. Mais cet album sorti sur Realworld, le label tête chercheuse de Peter Gabriel allait marquer son temps. 

On retient du regretté Nusrat Fateh Ali Khan qu'il est l'homme qui a mondialement popularisé le Qawwali (chant soufi pakistanais) et l'a transporté sur d'autres territoires que celui de la musique sacrée. Et, Mustt Mustt est justement l'album où Nusrat va le plus expérimenter en mixant son savoir-faire (et son  génie - là on ne rigole pas) à d'autres modes musicaux et styles plus électroniques afin de mettre au point des disques à l'égal des classiques ( in the tradition) déjà parus. 

Côté anglais, à la fin des années 80, à Birmingham on explorait le banghra en mixant les sons de Bollywood au  hip hop parce que le qawwali trop lent ne passait pas le porte des clubs et à Londres Soul II Soul actualisait la dance music, juste avant que le  trip hop n'advienne du côté de Bristol… Depuis quelque temps, Nusrat and Party avaient accéléré leur rythmes en concert parce qu'ils voulaient garder leur musique en prise sur l'époque, et l'occasion donnée par Realworld d'effectuer un saut quantique, arrivée juste au bon moment. 

Nusrat était trop heureux de mettre en œuvre de nouvelles idées- et le barrage la langue  en studio ne fut jamais un obstacle, tant le producteur Micheal Brook su se faire comprendre en peu de mots.  Le morceau-titre Mustt Mustt, part ainsi d'une  mixture de chants traditionnels sur lesquels Nusrat  improvise longuement sur les mérites d'un saint sufi, tandis que Tery Bina est une chanson d'amour délaissé de style qawwali où l'amoureux éconduit ne chante que ‘I cannot live peacefully without you for even a moment. I miss you terribly when you are away.

Ces deux seuls titres possèdent des paroles, tousles autres sont basés sur des exercices de chant où les mots d'autre d'autre fonction que de porter la voix, c'est du tarana, un genre qui colle parfaitement aux ragas. Pour renouveler le son, Brook va privilégier des instruments du monde entier : du surdu,  gros tambour brésilien, du djembe,  qui vient enrichir les habituels  tabla et harmonium, plus de la basse électriques, des claviers, l'invention de Brook, l'infinite guitar ( qui sonne comme celle de Ry Cooder dans Paris Texas.)  

Tous les titres ont été travaillé dans différentes directions et les rendus finaux, loin des premières ébauches. Fault Lines est passé par différentes phases, et Sea of Vapours, s'est vu adjoindre la fameuse infinite guitar pour caler les rythmiques qui n'était pas synchro. The Game a pour base de départ, un rythme conçu par Peter Gabriel, quand Avenue voit les musiciens au grand complet jouer live.   

Rencontre d'une idée aboutie et d'un mouvement musical qui prend en même temps son essor, le remix d'enfer par Massive Attack est un classique qui montre que la musique n'a plus dès lors de pays, mais circule de producteur en producteur - comme le Push Push des Original Rockers (aussi de Birmingham) quelques mois plus tard. Nusrat se découvre alors des fans dans le monde entier et le trip hop régner sur la scène musicale pour 3/4 ans avant l'arrivée de la jungle… Juste indispensable. 

Jean-Pierre Simard le 15/12/17

Nusrat Fateh Ali Khan - Musst Musst - Realworld