L'AUTRE QUOTIDIEN

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David Dufresne s'est éveillé avec la Nouvelle Lune

David Dufresne de Combo, Best, Libé, Le Jour et de Fort McMoney s'est attaché à l'épuisement total d'un lieu/sujet, le New Moon. En s'y prenant comme Nik Cohn dans Broadway, la grande voie blanche, son sujet fait florès et devient ville, monde et rejoint l'Histoire. Pas mal pour un rade de nuit musical qu'il a fréquenté 6 mois en 1986. Mais le total bonheur du sujet évoqué par notre ami est qu'il y trouve toutes les raisons d'y avoir ancré son aujourd'hui, son maintenant et ce qui fait toujours sa vie : la résistance aux salauds, aux mensonges et au pré-mâché. Grand livre! 

David Dufresne, 2017 

Sur de mauvaises images filmées en 2004, place Pigalle, à Paris. « Je suis passé en moto un soir, j’ai vu le bulldozer à l’œuvre, alors je me suis arrêté et j’ai sorti ma caméra de poche », se souvient David Dufresne. Il saisit les gravats fumants, le bâtiment démoli aux trois quarts, et un pan de mur grisâtre encore debout pour quelques heures. Au-dessus de la grille définitivement close apparaissent le reste d’une immense coquille Saint-Jacques en plâtre et une enseigne d’un rouge éteint : « New Moon ».

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Tout est parti de là. Le New Moon était le refuge de David Dufresne en 1986. A 18 ans, il venait de débarquer à Paris et passait ses nuits dans ce minuscule temple du rock alternatif, à l’angle de la place et de la rue Pigalle. Il fallait monter l’escalier, se frayer un chemin entre « le dealer au boulot, les amoureux qui s’enlacent, les mecs perdus, les filles à trouver ». Passé le service d’ordre, vous débouchiez sur une bonbonnière rouge où se produisaient des chanteurs punks et la Mano Negra. Au bar, une ex-modèle de peep-show, Virginie Despentes, montrait à qui voulait un manuscrit qu’elle désespérait de voir publié. « Cette Nouvelle Lune allait devenir le socle de ma vie », écrit Dufresne.
 

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Et l'on découvre que de propriétaires en enseignes diverses, c'est plus d'un siècle d'histoire parisienne qui a défilé entre ses murs ripous à l'époque de l'action. De degas à un pauvre gros con de bandit corse en rupture de ban qui scellera sa fermeture par un ultime racket, sans oublier que le New Moon de la Deuxième Guerre mondiale fut un temple des représentants de laGestapo parisienne, on est proprement sidéré par la verve, les recherches infinitésimales ( et non terminées car il reçoit encore des achats effectués depuis des années pour sonarchivage perso) du DavDuf qui a mis à jour un temple de la nuit dans toutes ses occurrences. 

 

En 350 pages qui font se chevaucher vie rock, révolte et engagement avec l'Histoire vue des petits et grands côtés de la lorgnette, on croise une galerie phénoménale de personnages, une vie qui se construit et s'échappe finalement ailleurs pour dire une actualité de la résistance au quotidien et au banal. D'Eric Débris le gérant ex-punk libertaire de Metal Urbain, en passant par l'infructueuse tentative d'approche de l'Impératrice de Pigalle Hélène Martini, aux flics de la mondaine, aux archivistes de Montmartre, versus ceuxla police, ou bien à larencontre avec un superbe Manu Chao qui y a trouvé la gloire, le parcours est impec. 

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Et il est lyrique l'animal. Et il est bon. Et nous de revoir dans le rétro quelques nuits zébrées de fulgurances électriques, de montres arrêtées sur une vie qui court sans elles. Et qui font qu'aujourdhui/maintenant on sait encore dire non. On sait encore réagir à la mollesse ambiante par des fuck off salutaires et des argumentations toujours sur la brèche. La source est-elle là, dans la perte d'une certaine innocence ? Pour lui, c'est le cas, mais pour le comprendre, il vous faudra fermer ravi l'ouvrage, en pensant bien ouéj ! 350 pages de folie scripturales, 350 pages de découverte en découverte, de révélation inattendues en révélations inattendues avec une ambiance, un son. Et en parlant de son, en bon ex-rock critic , Dufresne vous offre la BO du livre. Les morceaux ici présents, en sont bien évidemment… 

Jean-Pierre Simard (avec piratage du Monde) le 2/10/17 

David Dufresne, New Moon, café de nuit joyeux, éditions du Seuil