L'intégrale du Tribut de Rochette et Legrand
Tribut est à l'origine une bande dessinée publiée par Casterman, dans sa collection (À Suivre…) en 1995 qui n’avait jamais connu de suite. Elle narrait les aventures d’un groupe de soldats-scientifiques partis en quête d’une nouvelle source d’énergie sur une lointaine planète auxquels les autochtones n'offraient pas un sémillant accueil.
Jean-Marc Rochette est un peintre, illustrateur mais surtout dessinateur de BD, aussi à l'aise dans l'humour d'Edmond le Cochon ou Jack Palmer avec Pétillon, que dans le réalisme ou la SF Il a signé, sur des scénarios de Jacques Lob et Benjamin Legrand, quelques excellentes bandes dessinées de science fiction, dont le Transperceneige, fable post-apocalyptique de Jacques Lob, (seul scénariste primé à Angoulême) et avec Legrand Requiem Blanc et le Tribut.
Ici, la Terre s'épuise dans une guerre intergalactique qu'elle est en train de perdre. Loin des combats, un groupe de soldats et des scientifiques sont englués sur une planète particulièrement inhospitalière, "Deux Lunes", à priori sans intérêt stratégique. Ils espèrent y découvrir une nouvelle source d'énergie qui pourrait leur permettre de reprendre l'avantage contre leurs adversaires. Ignorant la nature de ce qu'il cherchent, ils explorent à l'aveuglette, tentant d'établir le contact avec les indigènes. Mais ils sont prêts à tout, et plus encore pour arriver à leurs fins.
Si l'argument est classique, la représentation de cet univers prend le contre-pied total de l'imagerie habituelle de la SF. Alors que nous sommes habitués à un dessin précis, rarement avare en détails, Rochette adopte ici un style impressionniste rendu plus intrigant par le choix d'une palette monochromatique, au gré des saisons qui se succèdent sur ce monde étrange.
A chaque saison, sa couleur, et son enfer. L'environnement n'en apparaît que plus inquiétant. Faune, flore et humains sont noyés dans un brouillard épais et une pluie persistante. Les arbres apparaissent comme des ombres menaçantes. Les animaux surgissent de nulle part... les soldats paraissent complètement déplacés dans un monde qui n'est pas le leur. Leur présence semble même rendre ce monde complètement fou.
La grande originalité de cet album est qu'il n'utilise pas le dessin pour une représentation simplement descriptive des événements, mais que ses variations enrichissent le récits d'impressions et de sensations étonnantes, jusqu'à une conclusion surprenante, qui rappelle que Rochette est également peintre. Et l'ouvrage est ici enrichi d’un épilogue réalisé spécialement pour l’occasion, comme un ultime hommage à cette œuvre classique de la science-fiction française, culte pour beaucoup. Dès lors, fort logiquement, cette intégrale se retrouve en compétition à Angoulême, dans la catégorie Patrimoine.
Maxime Duchamps
Le Tribut de Rochette et Legrand - Cornélius, collection Solange