Sexto Sentido : Chant à Elegguà
Ce matin, j'ai reçu un cadeau dans ma boîte aux lettres. Ces quatre jeunes femmes qui chantent assises, a capella, ce que j'ai reconnu comme un chant aux orishas, les divinités de la santería, je les ai d'abord crues brésiliennes, avant de réaliser qu'elles étaient cubaines. Pâle excuse : elles ne chantent pas en portugais, ou en espagnol, mais en yoruba, la langue venue du Nigéria, le trésor gardé par les esclaves, avec toute la culture qui s'exprime dans le culte des Orishas, pratiqué sous des formes proches à Cuba et au Brésil, et sous une forme un peu différente, qui a donné naissance au vaudou, à Haïti . Créé en 1997 à La Havane par quatre jeunes filles de quinze ans, Sexto Sentido est devenu LE groupe vocal féminin cubain, capable du plus populaire (évitez "Guajiro", leur tube de 2010, nº 1 à Cuba, très décevant) et du plus raffiné, comme cette interprétation très travaillée du Chant à Elegguà (il faut savoir que ce sont des chants très réglés, religieux, connus de tous les fidèles - on ne joue pas avec ça), la divinité malicieuse de la croisée des chemins. Elegguà (ou Eshu au Nigéria, Exu au Brésil, Legba à Haiti) est une sorte d'Hermès ou de Mercure, le messager, un peu farceur, très malin, qui apparaît sous la forme d'un mendiant ou d'un fou, et joue des tours aux hommes qui ne lui plaisent pas. Il est donc le premier à prier et à nourrir dans une cérémonie (en cela il ressemble au Ganesha indien) si on souhaite qu'elle porte ses fruits. Un privilège obtenu par le plus jeune des orishas pour avoir été le seul à réussir à soigner un jour Oludumare, la Nature, ou l'être suprême. Voici donc la signification de ce chant. Qu'il vous soit propice !
Christian Perrot