Les identités malicieuses d'Alena Zhandarova
Est-ce parce que nous nous sommes perdus quelque part (mais quand ? nous ne nous en souvenons plus, nous ne pourrions pas dire) que nous sommes, dans tant de travaux photographiques du moment, et sur tous les continents, en train, hommes et femmes, de nous chercher frénétiquement parmi les objets qui nous entourent ?
Notre figure doit être en eux. Sommes-nous une balalaïka, l'écran d'une tablette, un lustre rococo, une chaussette ou un pot de fleurs sur la tête, une planche à repasser, un pied qui dépasse, un signe de victoire vide de sens ? Tout, ou rien, de tout ça ? Quelque chose sans doute (flûte, encore l'image de "ces choses" !), puisque ce n'est pas un hasard si nous saisissons tel ou tel objet pour nous représenter. Une histoire en découle toujours (se voyant comme une "fabuliste", ce qui est pile le cas, et brillant, la jeune photographe russe Alena Zhandarova la décrit comme une fable, à laquelle elle se prête elle-même, dans la nouvelle série "Puree With Taste of Triangles", ou ses sujets, comme dans son premier travail : "City of Brides", pour laquelle elle avait recherché par les réseaux sociaux des jeunes femmes prêtes à se "livrer au jeu" de sa ville, Ivanovo, l'ex-capitale de l'industrie textile soviétique où vivaient et travaillaient pendant la guerre tant de jeunes femmes célibataires qu'elle y gagna le surnom de "City of Brides", la ville des filles à épouser. Se livrer au jeu ? Mais quel jeu, d'abord ? Se déguiser en quelque chose qui traîne dans son appartement pour se représenter. Une règle simple, à partir de laquelle, comme le fait remarquer Alena Zhandarova, tout s'ensuit comme imprévu.
Qui sommes-nous ?
De cela, comme disait Maïakovsky.
Ne croyez pas que ces photos soient surtout drôles.
Christian Perrot