En l'absence totale de caisse claire = Eyeless in Gaza
En 1982, on découvrait un coup de génie d'un label, la compilation Cherry Red "Pillows & Prayers" qui mettait en avant rien moins que Monochrome Set, Everything but the Girl, Attila the Stockbrocker, The Misunderstood et … Eyeless in Gaza. Vendue à prix d'ami, ce fut un grand succès qui présentait en vision panoramique, ce qu'à défaut d'autre chose on appelait post-punk. Pas new wave, c'était déjà du passé. Et les plus singuliers d'entre eux balancent actuellement une compile en résumé de carrière… Retour sur un phénomène en duo.
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Ce qui marque d'entrée avec Eyeless in Gaza, c'est l'espace dans la musique. Un espace conçu et voulu comme tel par le remarquable chanteur Martyn Bates, pour que l'auditeur trace sa route dans la musique, qu'il y écrive sa propre histoire et y participe, en comblant les blancs, laissés là à dessein par Bates et son complice Peter Becker.
Et la seconde chose marquante est l'implacable absence de batterie qui, depuis leur reformation en 1993 après des travaux avec Anne Clark, est avantageusement pallié par un synthé. En clair, vous avez toujours une voix qui monte pour vous raconter une histoire, une guitare, des fois doublée, d'autres pas. Et, un synthé pour l'actualité du son d'aujourd'hui.
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Martyn Bates se confiait il y a peu au magazine FACT: “En rencontrant Peter Becker, j'ai découvert une synchronicité entre nous qui faisait qu'on possédait à deux toutes les couleurs possibles pour découvrir de nouveaux territoires musicaux, de manière compacte. Nous pouvions dès lors avancer de concert dans l'écriture d'une musique vraiment minimaliste".
“ Et quand je parle de minimalisme, je ne pense ni à Steve Reich ni à Phil Glass, la soi-disante nouvelle musique classique moderne ne m'intéresse pas. Quand je pense au minimalisme, ce à quoi cela réfère est une qualité qui plonge profondément au cœur de la musique et dans la matière des mots et l'explore, sans pour autant en faire quelque chose. Cela laisse la musique à l'état d'image squelettique et permet d'installer d'autres espaces. Et cela permet aussi à l'auditeur de se sentir plus concerné, d'être dans l'expérience de la musique pour y prendre part de manière plus intense ( un peu comme le Deep listening cher à la regrettée Pauline Oliveiros)."
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“Cette expérience inclut bien sûr la vie de l'auditeur à l'écoute, qui va compléter le tableau offert par la musique. Je pense aussi que le son d'Eyeless in Gaza a toujours comporté une composante transcendantale en dehors du temps. La vie est, bien sûr, plus grande que tout cela, mais comme tout est ici question de vie et de mort, balancé d'un seul tenant, il est bon de le savoir et d'en tenir compte."
Le nom du groupe est piqué au titre d'un roman éponyme de 1936 d'Aldous Huxley qui fait directement suite "Au Meilleur des mondes"… A ce moment de l'histoire de la musique en Angleterre, le seul à oser, avec succès, se présenter en formation guitare-voix était Billy Bragg, mais c'est une autre histoire …
Jean-Pierre Simard
Eyeless in Gaza - Picture the Day ( career retrospective 1981/2016) Cherry Red