L'AUTRE QUOTIDIEN

View Original

Un certaine manière de voir avec Gordon Matta-Clark

Cette exposition d’envergure de Gordon Matta-Clark en France dévoile un ensemble exceptionnel de photographies, collages photographiques, dessins et films attestant de la richesse de l’œuvre d’une des figures mythiques de l’avant-garde des années 70. Détails.

« Mon activité prend la forme d’un geste théâtral qui divise l’espace et la structure »
Gordon Matta-Clark

La démarche de Gordon Matta-Clark et son analyse de la notion de structure l’amènent à définir tout lieu comme un objet. Ainsi à des dispositifs architecturaux disposés à l’intérieur d’un espace succèdent bientôt, dans les années 1970, des œuvres sur site, en particulier les Building Cuts (Découpes de bâtiments) pour lesquelles il est devenu célèbre. Dans cette série de travaux, des immeubles et maisons abandonnées font l’objet de découpes : suppression de fragments de planchers, de murs et de plafonds, ou encore coupe verticale d’une maison qui la divise en deux.

Sculpture négative, Conical Intersect est exécutée rue Beaubourg en septembre 1975 pour la Biennale de Paris sur deux immeubles mitoyens du XVIIe siècle condamnés à la démolition au moment-même de la construction du Centre Pompidou et de la refonte du quartier des Halles. Pendant plusieurs semaines et sous les regards médusés des Parisiens Matta-Clark et son équipe découpent dans la façade nord du bâtiment un oculus de quatre mètres de diamètre devenant la base d’un cône évidé à l’intérieur de la structure. De cette intervention « son et lumière » subsistent un film éponyme et de multiples photographies, montages et collages photo, dont nous montrons une sélection à la galerie.

En 1977, Sous-sols de Paris témoigne du déplacement de l’attention de Matta-Clark vers les fondations et lieux souterrains qui, selon lui, captent le plus l’imaginaire collectif. Six tirages photographiques rarement exposés et réunis pour l’exposition sont les récits visuels des strates archéologiques et architecturales de plusieurs sites de la capitale. Le film 16 mm est une visite guidée « sous terre » en compagnie de l’artiste, au cours de laquelle sont contés l’histoire et les légendes de lieux enfouis et parfois oubliés tels que la crypte de Notre-Dame, les catacombes de Denfert-Rochereau, les sous-sols de l’Opéra Garnier ou encore la crypte du Couvent des Carmélites de la rue Saint-Jacques.

Mais l'on trouve aussi des films à cette rétrospective : Day’s End (1975) sur la création d’un « sun-and-water temple », une de ses œuvres les plus ambitieuses et majestueuses. Il intervient sur un vestige de l’architecture industrielle du XIXe au bord de l'Hudson, à l’ouest de Manhattan ; en perforant le sol, la tôle ondulée et l’acier pour y faire pénétrer et circuler la lumière du soleil. Ainsi que City Slivers (1976), film expérimental où l’on entrevoit, comme au travers d’un trou de serrure, des images fragmentées de ville en mouvement.

Gordon Matta-Clark,né en 1943, est le fils du surréaliste chilien Roberto Matta. Après La Sorbonne, il étudie l’architecture à la Cornell University et commence sa carrière d’artiste au début des années 1970. Avec plusieurs artistes il ouvre dans le quartier de SoHo un espace d’art alternatif au 112 Greene Street ainsi que le restaurant associatif Food. Il réalise de nombreux projets en Europe:  Paris, Gênes, Berlin ou encore Anvers et participe à Documenta 5 (1972) et 6 (1977). Il décède prématurément en 1978 à l’âge de 35 ans. Pour avoir posé la question du rôle et des limites de l’architecture son œuvre marque plusieurs générations d’architectes et d’artistes. Manière de voir, manière d'y penser. Un grand !

Maxime Duchamps

Gordon Matta-Clark ->19 janvier 2017
Galerie Marian Goodman 79, rue du Temple 75003 Paris

See this search field in the original post