L'attracteur étrange de Greil Marcus : l'Histoire du rock en 10 chansons
Raconter l'histoire du rock en dix chansons semble une gageure, mais elle est tenue par rien moins que le docteur rock, l'universitaire des beaux jours de Rolling Stone US, Greil Marcus. Et c'est encore une fois époustouflant de culture, d'intuition et de rigueur dans la façon de raconter.
Déjà responsable de Like a Rolling Stone, Bob Dylan à la croisée des chemins, de l'Amérique et ses prophètes ou, dernièrement (2014) d'un Doors d'anthologie, Greil Marcus a brillé d'autant de feux que Nick Tosches, Tom Wolfe ou Hunter Thompson dans les pages du magazine de San Francisco ; offrant avec ses pairs ce que l'industrie du disque s'ingéniait à déformer pour le marketer, la culture véhiculée par le vent de révolte des 60's. Mais là où Marcus fait plus fort c'est en prenant en compte l'histoire du rock en entier, passant de Robert Johnson à Etta James pour parler de Béyoncé ou des Beatles, de Buddy Holly à Lady Gaga, en glissant par Joy Division ou les Flamin Groovies.
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Intarissable conteur de légendes, il les épice à sa guise, évidemment transversale, en faisant rebondir tout ce à quoi personne ne pense pour vous faire aborder des contrées inconnues- mais qui font toujours sens. Et, avant de lui laisser la parole pour présenter seul, son propos- c'est plus carré, c'est clair ! on vous refile un petite citation du East Bay Express qui vous renvoie à votre lecture personnelle de ce qui va suivre : "L'histoire du rock n'est ni rationnelle ni défendable. C'est voulu. Le récit fluctue et change au gré des expériences uniques des lecteurs. " Mais, après avoir lu cet ouvrage - à mon humble avis, le meilleur de son auteur, puisque le plus concis - vous serez sous le charme d'un écrivain qui vous aura expliqué un partie de vos rêves, nés de l'écoute forcenée de ces titres (ou d'autres) qui font que cette même histoire perdure …
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Des industries intellectuelles entières sont consacrées à prouver qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil, que tout procède de quelque chose d’autre, et à un degré tel que l’on ne peut jamais savoir précisément quand une chose en devient une autre. Mais c’est l’instant où quelque chose paraît ne surgir de nulle part, où une œuvre d’art irradie l’invention, le frisson électrisant de la découverte, qui vaut la peine d’être guetté. C’est cet instant où une chanson ou une interprétation devient son propre manifeste, émettant ses propres exigences sur la vie dans son propre nouveau langage – qui, bien qu’intrinsèquement nouveau, amène une foule de gens à jurer leurs grands dieux qu’ils n’ont jamais rien entendu de pareil – qui est révélateur. Dans le rock ’n’ roll, c’est un instant qui se répète encore et encore au cours de l’histoire, jusqu’à ce que, en tant que phénomène culturel, il vienne à définir l’art lui-même.
C’est comme dire: “Prenez toute la musique pop, mettez-la dans une cartouche, fermez la douille et tirez un coup de feu”, déclarait Pete Townshend des Who en 1968.
Jean-Pierre Simard
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Greil Marcus L'Histoire du rock en 10 chansons, éditions Galaade