Danse | Josef Nadj : A Portrait In Absentia
Nina Rendulic fait le portrait du chorégraphe, à l'occasion du festival Traverses, à Orléans, où il dirige le Centre Choréographique National.
Il descend les pavés de la rue de Bourgogne à Orléans. Un soir – la fin du printemps – dans l’air chaud comme une odeur de fête – les nuits sont courtes. Costume sombre. Regard perçant entouré du noir. Cheveux blancs encore collés par la sueur (Pour Dolores ?). On lui dit bonjour en croate / serbe. Il se retourne. Depuis trente ans, Josef Nadj danse entre le folklore de la mythologie slave et les traditions d’un héritage latin. Entre les berges de la Tisa et celles de la Loire. Entre les beaux Balkans et la douce France. Il allume une cigarette (sans filtre). Il parle avec ses doigts et ses yeux. Il évoque le calme orléanais. L’ébullition de la création parisienne. Les spécialités locales en Serbie. Les thermes à Budapest. L’avenir.Une compréhension tacite, qui passe par l’anti-identification, entre trois ex-yougoslaves...
L’esthétique de Josef Nadj n’est pas un « art pour... ». C’est un Art, pour soi, dans les corps qui s’entremêlent, dans du noir de leurs robes, du blanc de leurs visages. Dans les expérimentations visuelles et sonores – le corps est une image, qui résonne, le corps (se) créé à son image, les corps imaginent et s’imaginent. Dans la vie. Depuis 2007, j’ai vu Sho-bo-gen-zo. Les Corbeaux. Cherry Brandy. ATEM le souffle (une femme, un spectre...). Ozoon (le rond...). Paysage inconnu. Pour Dolores (pati (souffre ?) – entia...). Mercredi, Petit psaume du matin. (du grec ψ α λ μ ο ́ ς . « air joué sur la lyre avec ou sans chant »). Deux visages qui se dévisagent. Deux gorgées de vin. Deux bouches couleur sang. Silence qui hurle. Puis, un air d’un autre temps, d’un autre lieu : les deux corps, étrangers, se portent, se supportent, s’emportent, lentement, avec douceur,considération, ensemble dans leur solitude. Ce fut le plus beau moment de danse que j’ai jamais vu.
Début d’été. Josef Nadj lit Roland Barthes en buvant du vin rouge. Il cherche... Trouve-t-il ? Le jour tombe. Je pars.
C’est parce qu’il y a toujours en elle ce signe impérieux de ma mort future, que chaque photo, fût-elle apparemment la mieux accrochée au monde excité des vivants, vient interpeller chacun de nous, un par un, hors de toute généralité (...).
(Roland Barthes, « La chambre claire », 151-152)
Avec la permission de Nina Rendulic, ... & je me dis