Ake Edwardson : le commissaire Winter se la joue Coltrane
Erik Winter est quasi mort, lors de sa dernière enquête. Il a failli se noyer au fond d’une piscine de la Costa del Sol et, après deux ans de repos, souffre toujours d’un implacable acouphène. Il vient de laisser sa famille en Espagne pour reprendre son travail en Suède.
Et le retour est tout sauf facile. Dans une ville paralysée par le froid, il doit faire face à un nouveau crime : une femme et deux enfants viennent d'être assassinés dans une villa de banlieue. Seul, un nourrisson est retrouvé dans la maison, en vie, mais très mal en point.
Pourquoi personne n’a donné l’alarme ?
Et pour quelle raison ce bébé a-t-il été le seul épargné ?
Comment gérer ce dossier avec une famille restée en Espagne et une mère mourante ?
La reprise est dure pour Winter. Ake Edwardson joue ici les illusionistes et manie avec dextérité les images entre deux eaux, tout en faisant lire à Winter l'histoire de l'enregistrement du merveilleux A Love Supreme de John Coltrane. Et, en parallèle au disque nocturne qui rythme ses lampées de whisky à l'aulne de ses insomnies, le commissaire est atteint de visions, de sensations bizarres qui finissent par le mettre sur la bonne voie. Jusqu'au bout du livre, le suspense demeure et ce n'est que dans les toutes dernières pages que la lumière est faite sur les événements tragiques qui se sont déroulés dans la maison de Stora Amundö.
Profilé dans un cadre et une lenteur qui doivent beaucoup aux errances de Maigret, ce nouvel opus des aventures de Winter résonne de la complexité du monde au fil de la violence qui agite le quotidien : tout en s'appuyant sur une humanité perdue qui ne se vit plus que paroxystique dans ses passions, faiblesses, révoltes, naïveté, contradictions et férocité. Un nouvel angle d'écriture plus jazz et une réussite qui doit plus à ses pauses dans l'action qu'à l'habituelle façon thriller rock qu'il employait auparavant. En gros, tout est bon dans le neuf : nouveau héros, nouvelle écriture jazzée qui a tout compris au jeu de Coltrane et le retranscrit dans l'histoire, comme se déroule l'album. A Love Supreme, A Love Supreme. Quasi toute la critique qui ne connait pas Coltrane est passée à côté. On ne résiste pas à l'envie de vous mettre le clip de ce classique du jazz, pour le moins ascensionnel. Somptueux!
Jean-Pierre Simard
Ake Edwardson / La Maison au bout du monde Editions JC Lattès