L'AUTRE QUOTIDIEN

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Ces derniers jours, par Natacha Samuel

Ces derniers jours des électriciens ont renvoyé au noir les bâtiments qu’ils jugeaient infects et rendu à la lumière ceux qui en avaient été privés, des portuaires dockers et pécheurs ont fermé les ports, toutes les raffineries ont été arrêtées, des médecins ont démissionné collectivement de leur poste, des avocats sont sortis en tutus roses du tribunal après avoir jeté leur robe, des gilets jaunes se sont invités aux voeux de la mairie avec des syndicalistes pour y chanter et siffler le champagne, des gens se sont couchés au milieu de la rue pour protester contre les violences des flics, des syndicalistes ont brûlé sur site une banderole du Medef antigrève, des danseuses de ballet ont dansé dans la rue et des orchestres symphoniques ont joué dans la rue, le chant des esclaves a coupé la parole dominante et les cheminots ont pulvérisé leur record de durée en grève - même des cadres et des étudiants en science politique se sont mis en grève, et l’argent promet de ne plus sortir des distributeurs, et des messages de soutien arrivent de dizaines de pays qui désirent notre victoire - elle sera aussi la leur : la rue est à nous, la ville est à nous, le travail est à nous, l’art est à nous, et les symboles aussi.

L’inédit et les temps dont on veut s’éprendre n’ont pas depuis longtemps été comme ça à portée de main, l’émulation est là, on regarde bien tous dans la même direction, le panorama est bien plus vaste que le retrait d’une réforme, la conscience est commune que les koalas brûlent du capitalisme et que les livreurs meurent du capitalisme, et derrière nous le monde entier pousse pareil, se lèvent les gens. Si on veut tracer le chemin de la victoire, on doit continuer à inventer chaque jour refus, subversions, réappropriations.

On ne peut pas se reposer sur le blocage de l'économie par les secteurs stratégiques, sur les cheminots les portuaires les raffineries et les profs. On ne peut pas rester encore longtemps juste avec des mots pleins nos bouches, la haine de ces gouvernements débiles doit se muer toujours plus en joie d’agir, de transgresser nos habitudes et les limites qu’on s’impose, de ne plus respecter en acte ce qu'on ne respecte pas depuis longtemps en esprit. Il y a tant à bloquer, à arrêter, à recommencer.

Natacha Samuel, le 11 janvier 2020