L'AUTRE QUOTIDIEN

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Israël : un modèle pour la droite extrême

Le 15 décembre, le Brésil a ouvert un bureau commercial à Jérusalem et annoncé qu’il allait bientôt y déménager son ambassade de Tel aviv dans cette ville contestée. Le Premier ministre d’Israël, Benjamin Netanyahu, a exprimé sa satisfaction en déclarant qu’Israël n’avait « pas de meilleurs amis que le peuple et le gouvernement du Brésil ». L’appui du Brésil au colonialisme de peuplement et à l’occupation militaire de la Palestine s’intègre dans une tendance mondiale plus vaste des mouvements de droite, de l’extrême droite, et des mouvements fondamentalistes qui adoptent le sionisme comme un modèle pour la perpétuation réussie des politiques racistes.

Un nationaliste religieux et ancien capitaine de l’armée, le Président d’extrême droite du Brésil, Jair Bolsonaro, est connu pour ses propos patriarcaux, misogynes et racistes. Il a insulté les réfugiés africains, moyen-orientaux et haïtiens les traitant de « racaille de l’humanité », il s’en est pris aux populations LGBT, et il a encouragé l’inégalité des femmes dans la loi. Le régime de Bolsonaro a été qualifié de fasciste par certains observateurs.

Lors de sa prise de fonction en 2018, Bolsonaro a rompu avec la position modérée de ce pays sud-américain sur la Palestine. Durant sa campagne présidentielle, Bolsonaro a recommandé la fermeture de l’ambassade palestinienne au Brésil, il a rejeté les Palestiniens comme étant des « terroristes », et il a promis de déplacer l’ambassade du Brésil à Jérusalem. Lors des rassemblements électoraux, le drapeau israélien est souvent apparu aux côtés du drapeau brésilien. Après la victoire électorale de Bolsonaro, une source diplomatique brésilienne de première importance a déclaré au journal israélien Haaretz que « le Brésil sera dorénavant coloré en bleu et blanc » faisant référence aux couleurs du drapeau israélien. En tant que Président, Bolsonaro a fait sa première visite officielle de chef d’État en dehors des Amériques en Israël, où il a proclamé chaleureusement, et en hébreu, son amour pour Israël.

Israël lui a rendu la pareille question fascination. Dès le début de sa présidence, Israël a considéré Bolsonaro comme un nouvel allié. Quand Netanyahu a assisté à l’inauguration de Bolsonaro, il a été accueilli par les chrétiens évangélistes du Brésil, qui ont publié un timbre spécial pour célébrer le 70ème anniversaire de l’État colonisateur. Sur ce timbre, il y avait représentés le visage de Netanyahu et le mot hébreu pour « sauveur ».

Bolsonaro est soutenu par une population évangélique qui grandit rapidement et qui, avec environ 45 millions de personnes, gagne en influence politique et sociale.

Le mouvement évangélique du Brésil a des liens avec son homologue états-unien. Bien représentés dans le gouvernement des États-Unis par le Vice-Président Mike Pence et le Secrétaire d’État Mike Pompeo, les évangéliques forment la base conservatrice du Parti républicain et ils ont largement soutenu Donald Trump.

Israël est d’une importance centrale pour les évangéliques sionistes, lesquels continuent de croire que les juifs ont besoin d’être concentrés en Palestine pour que soit déclenchée la seconde venue de Jésus. Lisant l’histoire à travers une lentille religieuse, les sionistes évangéliques considèrent l’établissement de l’État d’Israël en 1948 comme l’accomplissement d’une prophétie religieuse. Israël est ainsi élevé au-dessus de ses obligations relevant du droit international et des droits de l’homme.

Les sionistes chrétiens ne sont pas les seuls à soutenir et admirer Israël. Les mouvements et partis politiques de droite et d’extrême droite à travers le monde idéalisent aussi Israël car ils voient dans le projet colonial sioniste un modèle réussi de la domination européenne sur les populations indigènes des pays en développement.

Se saisissant des préoccupations des ultraconservateurs concernant les développements démographiques dans les sociétés multiculturelles pour la perpétuation des idéologies islamophobes, les suprémacistes blancs et les autres idéologies racistes, les différents mouvements d’extrême droite se croisent dans leur adhésion au sionisme.

Des systèmes visant à limiter l’expansion de la population, tels que les interdictions de voyager, les déportations, la construction de murs, et l’incarcération massive, ont longtemps été développés par Israël et testés sur les Palestiniens. Israël a transformé la pensée islamophobe et orientaliste en une politique génocidaire, une politique que de nombreux partisans considèrent comme un exemple pour leur propre pays. 

Les idéologues de droite peuvent facilement combiner l’antisémitisme avec une position pro-israélienne. En 1895, le père fondateur du sionisme, Theodor Herzl, prédisait que « les antisémites deviendront nos amis les plus fiables, et les pays antisémites nos alliés ».

Pendant que l’antisémitisme et le sionisme se recoupent structurellement, tous deux dépendant d’une politisation collective des juifs comme étant l’ « autre », la dynamique en cours fait qu’il est maintenant impossible d’ignorer cette alliance macabre. 

Les partis d’extrême droite ont de plus en plus rejoint le spectre politique établi dans toute l’Europe. Le « Parti de la liberté » (FPÖ ) en Autriche et celui d’extrême droite en Allemagne, l’AfD, ont incorporé le sionisme dans leurs idéologies régressives, considérant Israël comme un modèle pour la création de hiérarchies racistes/raciales. Les deux partis comprennent des antisémites déclarés. 

Tout en traitant avec mépris les droits des Palestiniens, la droite extrême européenne a, d’un point de vue rhétorique, maltraité la population palestinienne afin de promouvoir une propagande islamophobe et de disculper son propre antisémitisme. Les colonies de peuplements illégales d’Israël en Cisjordanie sont souvent présentées comme la frontière de la civilisation occidentale. Pour ne citer que quelques exemples, l’ancien dirigeant du FPÖ, Hans Christian Strache, a déclaré que son cœur est avec les colons. L’islamophobe néerlandais, Geert Wilders, a demandé aux Palestiniens de quitter la Palestine pour la Jordanie, justifiant un nettoyage ethnique. Le parti d’extrême droite des Démocrates suédois se bat pour que Jérusalem soit reconnue comme la capitale d’Israël.

Le régime israélien s’est depuis longtemps positionné au sein de la droite politique mondiale et, particulièrement sous Netanyahu, il collabore fièrement avec la droite extrême. Il glorifie même certaines personnalités de la droite extrême, tel que le politicien italien Matteo Salvini, comme de « grands amis d’Israël ».

Parmi les « amis » d’Israël dans la droite extrême, on trouve également le Hongrois Victor Orban. Connu pour son discours islamophobe et anti-réfugiés, Orban a fait l’éloge de l’ancien collaborateur hongrois avec les Nazis, Miklos Horthy, lequel a supervisé le meurtre d’un demi-million de juifs en Hongrie. Autre ami encore, le Président philippin Rodrigo Duterte, qui s’est rendu tristement célèbre pour ses propos racistes, homophobes et sexistes. Duterte s’est comparé une fois à Hitler et a ridiculisé les victimes de l’Holocauste. Et cela ne l’a pas empêché de se rendre plus tard en Israël et, avec Netanyahu, de participer à un service commémoratif au mémorial de l’Holocauste de Yad Vashem. Sa visite incluait la signature d’une licence d’exploration pétrolière et de nouveaux contrats d’armements.

Tout cela, cependant, n’est pas choquant pour quiconque suit de près la droite extrême et le gouvernement israélien. En fait, Jérusalem est une intersection cruciale des sionistes et des antisémites.

Après sa visite au mémorial de l’Holocauste, Bolsonaro a proclamé que le nazisme était un mouvement de gauche et socialiste, s’engageant ainsi dans un révisionnisme de l’Holocauste. Ceci, pourtant, se situe dans la droite ligne du révisionnisme historique de Netanyahu lui-même. Le Premier ministre d’Israël a prétendu précédemment que « Hitler ne voulait pas exterminer les juifs », propageant à tort une théorie de l’implication des Palestiniens dans l’Holocauste.

Lors de l’ouverture de la nouvelle ambassade de l’administration Trump à Jérusalem, en 2018, les pasteurs évangéliques Robert Jeffress et John Hagee ont récité des prières. L’éminent télévangéliste Jeffress avait auparavant proclamé : « Vous ne pouvez pas être sauvés en tant que juifs ». Il a dénoncé l’Islam, le mormonisme, et le judaïsme. Dans une tentative visant à justifier les colonies de peuplement juives en Palestine, Hagee, fondateur de l’organisation sioniste Chrétiens unis pour Israël, s’est servi de la Bible pour justifier l’Holocauste, affirmant : « Dieu a envoyé un chasseur. Un chasseur, c’est quelqu’un qui a un fusil, et qui vous contraint. Hitler était un chasseur ».

Comme le dévoilent ces dynamiques, la Palestine/Israël a été au centre des gouvernements, des partis politiques et des mouvements régressifs à travers le monde. Les suprématies blanches, les antisémites, les néo-nazis et les fondamentalistes religieux peuvent trouver une inspiration dans le sionisme à plusieurs fins. Que leur but soit de dissimuler l’antisémitisme, ou de faire avancer des politiques racistes, ou de déclencher une apocalypse, tant qu’ils font l’éloge du gouvernement israélien ils seront très probablement acceptés comme des amis. 

Aujourd’hui, Tel Aviv s’empresse de se lier d’amitié avec les nouveaux gouvernements de droite, où qu’ils puissent apparaître. Cette approche a été visible en Amérique du Sud, en plus du Brésil. Le Vénézuéla et la Bolivie ont été longtemps parmi les plus ardents opposants d’Israël sur le plan international. Caracas a rompu ses liens avec l’État sioniste après la guerre de 2008-2009 contre Gaza. Morales le Bolivien a déclaré Israël comme « État terroriste » après avoir condamné ses guerres contre les Palestiniens. Cependant, Juan Guaido, le « Président par intérim » vénézuélien, imposé par les USA, a immédiatement été reconnu par Israël et il tente de rétablir les relations diplomatiques. Jeanine Añez, la Présidente par intérim bolivienne, controversée et soutenue par les USA, a rapidement rétabli les relations avec Israël et laissé tomber les restrictions aux visas.

En dépit de son alignement sur la droite mondiale, Israël est toujours soutenu par les politiques libérales et de gauche en Occident et, en raison d’un orientalisme profondément ancré dans la sphère euro-américaine, l’État sioniste est le plus souvent considéré comme un avant-poste démocratique au Moyen-Orient. Et en conséquence, l’oppression contre les Palestiniens continue de s’étendre à l’échelle transnationale et au-delà des idéologies politiques.

Denijal Jegic

Traduction : BP pour l’Agence Média Palestine