L'AUTRE QUOTIDIEN

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Hasni Abidi : " C’est une grande page qui se tourne pour les Algériens. "

Hasni Abidi est un politologue suisse et algérien spécialiste du monde arabe. Il est directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève. Un entretien conduit par Marine Buisson pour le site suisse À l’encontre.

Comment avez-vous accueilli ces annonces ? Avez-vous été surpris ?

Il y a une sorte de soulagement qui accompagne cette nouvelle. En reportant les élections, en retirant la candidature du président, le pouvoir épargne à Bouteflika une sortie humiliante avec le scénario l’invalidant le 13 avril. La situation était de toute façon devenue intenable pour le régime. En voulant éviter une humiliation au président, le pouvoir évite également de plonger le pays dans une période instable. Il va plutôt permettre à l’Algérie d’entamer une période de transition très importante. Aujourd’hui, une période incertaine s’ouvre sans que le pouvoir n’y soit préparé.

Qu’est-ce qui a été déterminant dans le retrait de la candidature d’Abdelaziz Bouteflika ?

Il y a trois facteurs qui ont pesé lourdement dans le processus de décision. D’abord, la pression populaire. La mobilisation a été inédite, extrêmement forte et n’allait certainement pas s’arrêter là. Autre point déterminant : l’état de santé défaillant de Bouteflika que la longue hospitalisation n’a fait que confirmer. On a même entendu des rumeurs de mort. Le peuple refusait de voter pour un fauteuil vide.

Le dernier élément qui a enfoncé le clou est le retrait graduel du soutien de l’armée au pouvoir. Quand le chef d’état-major a déclaré que l’armée était du côté du peuple, les manifestants ont ressenti une légitimité. A partir de là, le pouvoir ne pouvait pas aller plus loin.

Existe-t-il un précédent comparable dans l’histoire des manifestations algériennes ?

C’est la première fois depuis l’indépendance que la rue obtient autant. A l’époque (1988), les manifestations n’avaient pas abouti à la chute du régime ni à la fin effective du monopole du Front de libération national (FLN). Alors vous imaginez, le président qui renonce à un mandat alors qu’il y était préparé… c’est énorme pour l’Algérie ! Le pays amorce un grand tournant, c’est le début d’une nouvelle séquence. C’est une grande page qui se tourne pour les Algériens.

Et maintenant ? Qui pour incarner cette période de transition ?

Il pourrait s’agir de personnalités qu’on ne connaît pas. Nous avons une rue attentive, un véritable contre-pouvoir qui est né. Ce qui est certain c’est que le défi est immense pour l’opposition et sa responsabilité énorme. La mobilisation doit être traduite en revendication politique, en programme politique. La rue a manifesté avec un slogan clair : « Bouteflika, c’est terminé. » Maintenant, il faut réfléchir à la manière de gérer l’après. Une passerelle doit être maintenue entre la rue et le pouvoir.

En Algérie, réactions mitigées à l’annonce de Bouteflika

Nul ne sait exactement jusqu’à quand le président algérien Abdelaziz Bouteflika, qui a annoncé lundi qu’il ne briguerait pas un cinquième mandat, restera en fonction. Et cette incertitude pourrait bien provoquer la poursuite de la contestation populaire. Des manifestations étudiantes sont prévues mardi à travers le pays. Car, ainsi que le note le site d’informations du site d’Information TISA « il subsiste beaucoup de zones d’ombre dans le texte présidentiel ». Selon le président, la prochaine élection « aura lieu dans le prolongement de la conférence nationale inclusive et indépendante », qui « devra s’efforcer d’achever son mandat avant la fin de l’année 2019 ».

M. Bouteflika reste donc à son poste, « sans préciser sur quelle base juridique la décision a été prise puisque la Constitution ne prévoit pas la prolongation de mandat », ajoute le site. Son éditorialiste se demande « ce que pensera la rue » d’un pouvoir qui « cède sur le 5e mandat mais garde la main sur la gestion de la transition » ; une idée similaire, proposée il y a une semaine par M. Bouteflika, avait été rejetée par l’opposition. Soufiane Djilali, l’un de ses chefs de file, a appelé à la poursuite de la mobilisation, Al Jazera. Sur les réseaux sociaux, le message « non à l’arnaque du peuple, rendez-vous le 15 mars », appelle à un nouveau vendredi de manifestations.