L'AUTRE QUOTIDIEN

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Allô les Bruns ?! Le temps passe, il est déjà fascisme moins le quart, et mettre le réveil sous l’oreiller ne suffira pas à l’empêcher de sonner !

« Matin Brun », une nouvelle de Franck Pavloff (qui lancera un salon du livre antifasciste avec des confrères), me vient à l’esprit en ce mercredi 30 Octobre.

Dix petites pages qui nous racontent comment Charlie (n’y voyez pas d’allusions, ce livre a été écrit en 1998) et son pote, qui ne sont ni des héros ni des purs salauds, détournent les yeux d’un régime totalitaire qui se met en place doucement pour éviter les ennuis, et continuer à se retrouver tranquillement pour boire une bière de temps en temps .

Cela commence par l’ordre de faire piquer tous les chats non bruns, argumenté par des raisons scientifiques selon le régime des Bruns, puis c’est le tour des chiens, puis des journaux, puis des livres, puis l’arrestation de toute personne ayant possédé dans le passé un chien ou chat non brun, puis de toute personne ayant fréquenté quelqu’un qui aurait possédé quoi que ce soit de non brun, etc...

La nouvelle de Franck Pavloff se termine ainsi :
« J’aurais dû me méfier des Bruns dès qu’ils nous ont imposé leur première loi sur les animaux.
Après tout, il était à moi mon chat (…) on aurait dû dire non.
Résister davantage, mais comment ?
Ça va si vite, il y a le boulot, les soucis de tous les jours. Les autres baissent un peu les bras pour être un peu tranquilles, non?
»

Mardi 28 octobre, nous étions avec Antonin Bernanos, et même si beaucoup d’entre nous sont conscients que la situation en France et dans le monde est inquiétante, l’heure était au soulagement et à la joie.

Le sourire de sa maman, de ses proches, le sien, et l’information qu’il ne dormira plus en prison fait du bien.

Antonin, directement touché par la dérive de cet état français qui semble avoir choisi son camp, ne compte pas pour autant renoncer à ses convictions et son militantisme.

Nous sommes d’ailleurs, comme lui, nombreux à avoir été touchés de près par la violence, qu’elle soit physique, judiciaire, raciste ou morale, de cet état, de ce système de plus en plus autoritaire.

Et il est compréhensible que la peur ou le découragement touche certains d’entre nous.

Rien qu’hier, au même moment ou nous nous réjouissions sur les marches du Tribunal d’instruction de Paris, le Sénat a adopté en première lecture une proposition de loi des Républicains visant à interdire le port de signes religieux ostensibles aux parents accompagnant des sorties scolaires.

Certes, cette proposition a peu de chances d’être votée telle quelle à l’Assemblée Nationale, mais je crois qu’il est très dérangeant, grave, de penser qu’elle ait pu voir le jour et qu’elle soit discutée, débattue dans la réalité.

Quelques heures seulement après un attentat, car c’est de ça dont il s’agit, islamophobe a Bayonne.

Il est très inquiétant d’observer comment à travers l’histoire les idéologies fascistes, criminelles, ségrégationnistes, ont empoisonné les masses petit à petit, sur plusieurs années et en sont venues à devenir la norme avant que des forces résistantes se mettent en action.

Je me pose alors très gravement la question : A quel stade nous situons-nous actuellement politiquement en ce qui concerne l’avancée d’une nouvelle « norme » islamophobe et raciste ?

CNews donne quotidiennement la parole à Eric Zemmour comme si cela pouvait être quelque chose d’acceptable; dans la foulée, un de ses admirateurs commet un attentat dans une mosquée sans que cela ne soit qualifié d’attentat; et un sénateur, Jean Louis Masson, s’exclame à la tribune, au sujet de la maman inquiétée par le port de son foulard lors d’une sortie scolaire « elle n’avait qu’à ne pas mettre son voile elle n’aurait pas eu de problèmes (…) Est ce qu’on pense aux enfants qui sont entourés par n’importe quoi, on pourrait sortir des sorcières d’Halloween aussi ! (…) on a quand même le droit d’avoir des enfants qui ne sont pas pollués par ce type de prosélytisme, de communautarisme»

« Notre » président estime judicieux de se confier à “Valeurs Actuelles”, magazine bien connu pour son martèlement hebdomadaire de discours d’extrême-droite qui, rappelons le, titrait il y a une semaine : “Le voile ou la France”. Pour la centième fois.

Et nous, nous n’avons en parallèle à célébrer que de petites victoires comme celle de la libération, pour laquelle il a fallu lutter des mois (attention : sous contrôle judiciaire, sous caution, avec interdiction de manifester et de se rendre en Île-de-France et une liste de personnes interdites de fréquentation) d'un jeune homme qui milite contre l'idéologie fasciste.

Il n’est pas question de détourner l’attention des autres attaques politiques, sociales policières et écologiques de l’état envers le « peuple français » mais de bien ancrer dans nos consciences que ce peuple français comporte des musulmans et que les persécutions dont ils sont victimes sont de fait les nôtres.

Musulmans, gilets jaunes, écolos, peu importe contre qui sera tirée la première balle, les autres suivront.

Injustice fiscale, reformes néo libérales, racisme, répression, l’ennemi est le même et pourtant cette convergence des luttes ne reste qu’un groupe nominal ou au mieux se concrétise en bannières pendant les manifestations.

L’état divise entre casseurs ou pacifiques, gilets jaunes ou gilets jaunes « ultras », musulmans chrétiens ou athées , ouvriers ou classe moyenne et ça marche.

En attendant, nous ne sommes plus beaucoup nombreux dans les rues et certains éprouvent de la déception quant à l’unité du peuple devant son ennemi commun et à l’espoir qui s’était dessiné au l’aube du mouvement des gilets jaunes.

Ne rêvons pas du Chili, du Liban , de l’Algérie, de Hong Kong, l’équation est très simple : quelques centaines dernièrement contre des millions là-bas.

Oui nous sommes énormément à souffrir de ce système, peu importe nos origines, nos croyances, nous ne souffrons pas des mêmes symptômes, mais la maladie est la même.

Ressortons dans les rues, par centaines de milliers et non par centaines, et choisissons d’être prudents ou de défendre ceux qui veulent rester prudents, et respectons les choix de chacun.

C’est maintenant, ne soyons pas Charlie 😉

Shanti pour Teleia.

L’Autre Quotidien vous fait suivre l’actualité des luttes sociales dans le monde en collaboration avec Teleia., créé en juin 2019. Teleia c'est le point en grec ! Une page militante qui refuse la pensée formatée pour combattre sans faille les injustices, les discriminations raciales, sexistes, sociales... Parce que c'est par les connexions individuelles et collectives que nous avancerons vers ce monde que nous rêvons !

Photo @nnoman lors de l’acte 18 des gilets jaunes à Paris