L'AUTRE QUOTIDIEN

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On a vendu les kurdes à Erdogan

Un Kurde s'est immolé par le feu sur la place des Nations ce matin à Genève. Horriblement brûlé, il semble que sa vie puisse encore être sauvée. Ce drame est celui d'un peuple martyrisé depuis des décennies. Un peuple persécuté par le régime du président Erdogan et massacré par l'armée turque en Syrie. Un peuple abandonné par le monde entier, alors que toutes et tous l'applaudissaient lorsqu'il combattait courageusement l'Etat islamique, il y a si peu de temps.

Pour l’instant, il faut l’avouer et le regarder en face, c’est une catastrophe.

Qu’auraient pu faire les Kurdes de mieux ?

C’est à voir, mais là, on n’a pas de conseils ou de leçons à leur donner. Il aurait fallu leur donner une aviation, des tanks, des renseignements, des drones et des missiles. Nous n’en avons pas. Les grandes puissances ont gagné. Une fois de plus toutes invraisemblablement d’accord entre elles pour continuer leur compétition débarrassées des petits, qui ne comptent pour aucune d’entre elles s’ils interfèrent d’une manière ou d’une autre dans leurs calculs.

On aurait sans doute aimé mieux les kurdes en martyrs et héros de la cause des minorités. Depuis Afrin, de fuite en recul, il semble qu’ils n’aient plus envie de jouer ce rôle. Ils n’ont peut-être pas été bien inspirés de perdre des milliers des leurs contre Daesh, ils espéraient, c’est vrai, en retour, une reconnaissance, ne serait-ce que pour services rendus. Combien de soldats occidentaux sont-ils morts pour nous débarrasser du califat de Daesh ? Priorité paraît-il pour nos pays ? Pratiquement aucun.

Les kurdes du YPG sont morts à leur place (plus de 10.000, et combien de blessés, d’invalides à vie, de familles qui souffriront toute leur vie ?). Résultat : tous les protagonistes de cette guerre, sauf les kurdes, ont aujourd’hui matière à se réjouir. Assad, Erdogan, Daesh, Poutine, Trump.

Les islamistes syriens mercenaires d’Erdogan seront les prochains perdants, trahis eux-mêmes à Idlib et lâchés par la Turquie, qui aura obtenu ailleurs ce qu’elle voulait vraiment. La défaite des kurdes et un pied en Syrie.

Les autres perdants seront les réfugiés syriens en Turquie, dont Erdogan va pouvoir se débarrasser en les expulsant pour les expédier vivre sous des tentes dans des camps de réfugiés dans une Syrie qui n’a jamais été la leur, tandis que les kurdes qui habitaient là ont dû partir vivre eux aussi dans des camps de réfugiés dans la zone kurde d’Irak.

Catastrophique résultat. Et confirmation de ce grand classique digne de La Fontaine : c’est toujours sur le dos rompu des petits que les grands trouvent un accord.

Christian Perrot, le 23 octobre 2019