L'AUTRE QUOTIDIEN

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Liz Nielsen travaille à la chambre (noire) sans appareil

Le travail de Liz Nielsen s’inscrit dans la tradition de la photo sans appareil. Travaillant à même la matière photographique, elle crée des photogrammes à partir de ses propres négatifs et peint avec la lumière. Next Level Galerie présente la première exposition de Liz Nielsen à Paris. Force Fields réunit un ensemble d’œuvres photographiques récentes dans la continuité formelle et conceptuelle de son travail.

L’esthétique souffre d’une dualité déchirante. Elle désigne d’une part la théorie de la sensibilité comme forme de l’expérience possible; d’autre part la théorie de l’art comme réflexion de l’expérience réelle. Pour que les deux sens se rejoignent, il faut que les conditions de l’expérience en général deviennent elles-mêmes conditions de l’expérience réelle; ainsi l’œuvre d’art, de son côté, apparaît alors réellement comme expérimentation. Gilles Deleuze, Logique du Sens -  1969

Peindre avec la lumière ou l’art de l’invisible. Dans l’obscurité de la chambre noire, Liz Nielsen fabrique ses propres négatifs, ainsi que des objets tridimensionnels et des masques opaques et transparents tout en manipulant diverses sources de lumières colorées pour composer ses photogrammes. C’est un processus additif : des expositions de lumière se succèdent pour créer des zones de lumière et d’ombre de plus en plus denses, des dégradés et des couches aux contours irréguliers. De vibrants symboles — paysages, totems, lunes, bijoux à facettes biseautées– sont assemblés en simples formes. Mais, fondamentalement, ces images ne sont pas immanentes; elles renvoient vers un ailleurs au-delà de leurs apparences. Elles sont, selon Nielsen, comme les portes d’un autre monde, une perception renforcée par la profondeur du papier photographique utilisé.

Si Nielsen élabore ses œuvres à l’aveugle, sans lumière, l’obscurité de la chambre noire est son allié. Comme dans la plupart des processus photographiques, le papier d’impression est blanc jusqu’à ce que l’image latente se révèle au cours du développement. Pourtant, même quand ces images ont atteint leur stade final et que leurs couleurs sont révélées, il s’y dégage comme une “présence absente”, de l’ordre de l’insaisissable. Ainsi une perception subjective se forme quelque part entre la surface de l’œuvre et l’infini de l’esprit humain. Les œuvres de Nielsen ne sont pas sans rappeler les hologrammes de James Turrell ou les installations de Dan Graham en verre et miroir sans tain, qui semble donner de la profondeur à une image tout en déniant sa matérialité. De même dans les œuvres de Nielsen quelque chose se trouve dans l’espace entre moi-même et la surface de l’image. Comme une hallucination, j’essaie de m’y concentrer en déplaçant, tendant, mon cou ou même en plissant ou essuyant mes yeux. C’est à la fois déconcertant et fantastique, comme une découverte de quelque chose de nouveau en soi-même.

L’œuvre de Nielsen complique l’affirmation que l’existence se définit par la présence matérielle. Son œuvre est à la fois sur le support papier et, radicalement, ailleurs ; dans cet intervalle du perceptible et de l’imperceptible. Trouver cette « existence » est le grand mystère de cette œuvre, intangible, mais qui occupe néanmoins un espace philosophique important.
(Kim Beil, janvier 2017) 

Maxime Duchamps (avec galerie)

Liz Nielsen - Force Fields ->25/03/17
Next Level galerie 8, rue Charlot 75003 Paris

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