Kintsugi 11, par Nina Rendulic
Feuilleton dramatique illustré, oblique et en treize étapes
Kintsugi est :
monologique (jeu, tue) / en quête / volage / décontextualisé / saccadé / unique (i.e. qui ne s’exécute qu’une seule fois) / illustré et en épisodes / affectif / dans l’affect / en cours / imparfait (mais en or) / ouvert / synesthésique
Kintsugi n’est pas :
prescriptif / réflexif (reflet ou réflexion, miroir ou âme) / analytique / ordonné / narratif / polyphonique (harmonie vocale dans les mots et les choses) / un exemple / tiré d’une histoire vraie / avant ni après / psychologisant / sans raison / anonyme / noir et blanc
ETAPE 11 : "LES REGARDS"
Ils roulent vite. Ses mains sont sur ses mains sur le volant. Il conduit avec les yeux fermés. Elle le guide. C’est périlleux. C’est métaphorique. Ils aiment ça.
tu regardes ailleurs. encore.
tu parles une langue étrangère.
je te fais peur. alors tu fuis. encore.
tu changes.
tu n’es pas pertinent.
je ne sais pas qui tu es.
tu n’aimes pas ça ?
je ne sais pas. quand tu es noire, tu me fais peur.
regarde-moi.
je ne peux pas.
ce n’est qu’un prétexte. regarde-moi.
je ne veux pas.
à la fin, tu seras obligé.
je n’aime pas me sentir contraint.
et pourtant. j’ai une peau qui parle. qui te parle.
j’apprends à te connaître. tu n’es pas facile.
je te plais ainsi. tu fuis les évidences.
je ne sais pas qui tu es. tu ne sais pas qui tu es. ce n’est pas évident.
tu ne sais pas prendre des risques.
je sais.
trouve le moyen. je suis lasse.
tu ne te lasses jamais des contradictions.
tu ne me connais pas.
je te trouve touchante.
tu te perds dans des lieux communs.
je t’y emmène ?
tu n'est qu'une fleur bleue.
je préfère les coquelicots.
j’aime tes métaphores.
et moi, tu m’aimes ?
garde les yeux fermés. encore un peu. tu ne verras rien. il n’y a rien à voir.
je ne sais pas si c’est une bonne idée.
tu ne sais jamais rien.
tu aimes ça.
peut-être.
tu es là ?
je suis là.
tu sens l’odeur des questions sans réponses. je n’aime pas ça.
tu ne m’as rien demandé.
je n’arrive pas à…
tu fais trop d’efforts.
tu es belle dans ma tête.
j’existe par ailleurs.
tu penses à quoi quand tu penses à moi ?
c’est périlleux de penser à toi.
quand tu es malheureuse tu es au mieux.
Après ses Short-cuts, cinquante-deux chroniques d'une réalité subjective en mots-images, Nina Rendulic revient dans l'Autre Quotidien avec Kintsugi, un feuilleton dramatique expérimental en treize épisodes, un monologue entre "je" et "tu", absents. Kintsugi, "méthode japonaise de réparation des porcelaines ou céramiques brisées au moyen de laque saupoudrée de poudre d'or", est une hymne à l'imperfection et à la force tirée des blessures. Kintsugi est un projet qui dialogue avec le maniement de la matière photographique et les imperfections heureuses d'un processus en cours.
Nina Rendulic, vous pouvez la retrouver aussi sur son site ...& je me dis.
Publié le 23 février 2017