L'AUTRE QUOTIDIEN

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Ce n'est qu'un début, feuilleton politique (1)

L'actualité nous tombe dessus. Et comme elle a souvent la douceur d'un pilier de rugby, bonjour les dégâts ! La diffusion moderne de l'information condamne les média chauds à courir après le buzz, - le plus souvent venu des confins de l'internet -, pour l'amplifier jusqu'au tintamarre (le chien de Macron, la phrase de Mélenchon etc) et les chaînes d'info à "occuper l'antenne" comme on occupe son temps, en multipliant les plateaux entre une petite centaine de "détenteurs certifiés de la parole publique", cette nouvelle cour médiatique qui a un avis sur tout, et le proclame partout, jusqu'à un étourdissement devant les caméras qui finit par les égarer eux-mêmes sur leur importance réelle et leur position (savent-ils encore où ils sont, et s'ils sont journalistes, Christophe Barbier, qui se voit en "tuteur" des Français, "sur lequel le peuple, comme du lierre rampant, peut s'élever", ou Eric Brunet, qui traite d'abrutis ses auditeurs qui ont voté France Insoumise etc), et les derniers média froids - les quotidiens imprimés - à répéter ce que nous savons tous déjà depuis la veille. Ce feuilleton politique essaiera de trouver d'autres distances face à l'actualité. Ce n'est pas simple. Nous en sommes bien conscients. Mais après tout... ce n'est qu'un début.


QU'EST-CE QUI NOUS DÉRANGE ?

Quand le président d'un pays qui a la particularité d'être composé à près de 100% de gens venus d'ailleurs, de gré pour les uns, de force pour les autres, et d'autres continents pour la plupart, déclare sans gêne aucune, comme une évidence, que "les gens ne veulent pas que d'autres gens viennent dans leur pays et les dérangent", on s'interroge sur ce que va devenir le fameux melting pot une fois le feu éteint. Ne restera qu'une société de grumeaux, de graisse figée, de morceaux en voie de putréfaction. Un rotting pot qui dégagera de loin d'effrayants effluves. Empestant le monde entier.

Dans une interview accordée au Times et au Bild, Donald Trump avait conseillé à l'Europe de renvoyer chez eux les réfugiés syriens ("Nous ne voulons pas que des gens de Syrie viennent chez nous, des gens dont nous ignorons qui ils sont") et leur fermer ses frontières. Donald Trump, qui contrairement à ce qu'on écrit souvent, ne parle pas pour ne rien dire, a choisi d'évoquer des "gens qui ne veulent pas que d'autres gens", ce qui donne d'un côté à son raisonnement l'apparence d'une évidence universelle, qui se passe donc d'argumentation ("Vous connaissez les gens"), et exprime à notre avis au mieux le fonds de sa pensée, qui est que les êtres humains s'opposent par nature les uns aux autres. Tout est donc force et menace dans les rapports humains. Tous autant que nous sommes, et cela devrait alerter ses concitoyens d'abord, et tous les habitants de la Terre ensuite, nous sommes absolument "étrangers" aux intérêts de Donald Trump, comme nous serions tous de fait "étrangers" les uns aux autres. Et ni couleur de peau ni nationalité, contrairement à ce qu'espèrent les plus naïfs des partisans de Donald Trump ou de Marine Le Pen, n'exonère de cette guerre permanente de tous contre tous, et des plus forts contre les plus faibles, dont ils sont souvent, que suppose et légitime cette vision du monde.

La guerre qui oppose des "gens" à "d'autres gens" oppose tout le monde à tout le monde, et pour tout le temps. Ce langage de guerre civile finira par nous tuer si nous ne parvenons pas à lui opposer des résultats obtenus par la coopération de toutes et tous. C'est en quoi le terme de "politique sociale" est si juste et important. La République sociale est ce que nous pouvons opposer de plus fort à ces politiques qui visent à détruire la société en faisant de chacun l'ennemi de tous.
 

TARENTELLE POUR LES RÉFUGIÉS MORTS EN MER

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A l'heure où les pays (et les régions) du Nord se démènent pour ne pas avoir à accueillir les migrants qui réussissent à franchir la Méditerranée, et préfèrent laisser la Sicile, la Calabre, la Grèce, l'Andalousie, Malte, se débrouiller avec le problème, prouvant une fois de plus que le portefeuille n'est pas à la place du coeur pour rien, nous tenons à vous faire écouter cette chanson écrite par Erri de Luca pour le Canzoniere Grecanico Salentino, italienne mais sous-titrée en anglais, qui est si belle, sur ces immigrés qui meurent, après les naufragés d'Homère, dans cette Méditerranée qui rassemble tous ceux qui l'aiment. Le Canzoniere Grecanico Salentino est le plus grand et le plus ancien groupe de musique traditionnelle des Pouilles, qui joue les tarentelles. C'est aussi un des honneurs de l'Italie, et de l'Europe. Merci à eux. Pendant ce temps, dans un autre monde, parallèle au nôtre, mais qui est hélas le lieu du pouvoir, les ONG qui sauvent les migrants en mer sont accusées par les gouvernements de "faciliter le travail des passeurs" en rendant la traversée plus sûre, la France tente d'acheter les seigneurs de la guerre libyens pour les convaincre qu'ils gagneraient plus à parquer les migrants chez eux, dans des conditions qu'on sait épouvantables, qu'à leur laisser prendre la mer, une organisation de fascistes est laissée libre d'affréter un navire qui prétend gêner le travail de sauvetage des migrants et les renvoyer d'où ils viennent (en enfer, si possible), et Emmanuel Macron parle d'installer des "hot spots", des camps de détention au nom bien trop charmant pour dire ce qu'ils sont, chaleur à part), jusqu'en Afrique sahélienne. 

Comme le dit cette modeste affichette (les gens bien sont souvent modestes, et ont toujours des moyens modestes, c'est comme ça, et ils en sont d'autant plus admirables) : un jour, il faudra expliquer à nos enfants comment on a traité les gens qui fuyaient une guerre atroce et qui croyaient trouver refuge dans le pays des droits de l'homme. Ça va pas être facile.

Christian Perrot